Montessori avec les Montessouricettes, pour les parents et les pros

286. Le "time-out" de Caroline Goldman : une bonne idée ? (Redif)

Anne-Laure Schneider Episode 286

Dans son podcast, la psychologue Caroline Goldman préconise une méthode éducative bien spécifique, qu'elle présente comme une recette miracle pour les parents : le time-out, la mise au coin, qu'on peut résumer en français par le fameux "File dans ta chambre".

Le sujet est devenu polémique, entre tenants de l'éducation bienveillante, chercheurs en sciences cognitives, psychanalystes et psychologues de tous bords, avec, au milieu de ce capharnaüm, les parents.

Je n'ai pas l'intention de polémiquer : cela ne m'a jamais intéressée.

Ce que je vous propose aujourd'hui, c'est donc avant tout de mieux comprendre les enjeux du débat (car il n'y a pas que la question du time-out : Caroline Goldman a des positions très affirmées sur les enfants à haut potentiel intellectuel, le TDAH, le rôle du père et de la mère, la psychanalyse, et tout cela vient souvent parasiter la discussion). Et surtout, vous permettre de vous faire une opinion personnelle sur le sujet, en essayant de mon côté de faire preuve de toute l'honnêteté intellectuelle pour laquelle mon blog est apprécié.

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Pourquoi je n'aime pas l'éducation bienveillante.
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Discipline positive et éducation bienveillante, est-ce la même chose ?
- Éviter les problèmes en amont
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Speaker 1:

Montessori chez eux avec leurs enfants ou les enfants qu'ils gardent. Dans ce podcast, nous parlerons donc de pédagogie Montessori, mais aussi de discipline positive, d'instruction en famille, ce qu'on appelle aussi l'école à la maison, de co-schooling et de bien d'autres choses encore. Dans son podcast, la psychologue Caroline Goldman préconise une méthode éducative bien spécifique, qu'elle présente comme une espèce de recette miracle pour les parents, à savoir le time-out ou la mise au coin en français, qu'on pourrait aussi résumer par le fameux Fil dans ta chambre. Fil dans ta chambre. C'est d'ailleurs le titre d'un des livres de Caroline Goldman, dont le sous-titre est Offrez des limites éducatives à vos enfants. Et on en a beaucoup parlé ces derniers mois dans la presse, notamment à travers un article du Monde dans lequel Caroline Goldman expliquait son combat contre ce qu'elle appelle l'éducation bienveillante positive et le remède universel, selon elle, du time-out qu'elle propose face à des enfants en crise malgré leur entourage.

Speaker 1:

Qui les choix et les dorlotes? ou, d'après elle, à cause de leur entourage? qui les choix et les dorlotes? ou, d'après elle, à cause de leur entourage, qui les choix et les dorlotes peut-être un peu trop. Et c'est là que le sujet est devenu polémique, avec d'un côté les tenants de l'éducation bienveillante comme Catherine Guéguen et Isabelle Filiosa, des chercheurs en sciences cognitives comme Franck Rameau et des psychanalystes et des psychologues de tous bords, comme dans un entretien qui a eu lieu entre Héloïse Junier et Caroline Goldman sur le TDAH et le time-out.

Speaker 1:

Dans le Figaro. Et au milieu de tout ce cafarnaum, vous avez les parents. Des parents qui ne savent plus à quel sein se vouer, des parents qui cherchent avant tout à bien faire, peut-être à mieux faire que leurs propres parents, et qui, du coup, se retrouvent parfois à basculer d'un extrême à l'autre en fonction des recommandations des experts du moment. Des parents désemparés qui ne savent plus comment éduquer leurs enfants au milieu des injonctions contradictoires, et des enfants qui se retrouvent parfois plongés dans l'incohérence la plus totale, avec du laxisme un jour, afin d'éviter les violences éducatives ordinaires, et de l'autoritarisme le lendemain, pour rattraper le coup parce qu'on se rend compte que ça ne fonctionne pas Et on aurait presque l'impression que le choix se résume à enfant roi ou maltraitance.

Speaker 1:

Alors aujourd'hui, dans ce podcast, je n'ai pas l'intention de polémiquer, cela ne m'a jamais intéressée Et c'est pour cela que j'ai pris quelques mois avant de réagir à cette controverse autour du time-out, quelques mois qui m'ont été nécessaires tout d'abord pour écouter le podcast de Caroline Goldman pas seulement un épisode tous de relire les recherches scientifiques autour des méthodes éducatives les plus classiques, de faire mes propres recherches sur ce qu'affirmait Caroline Goldman et d'écouter les parents de mon entourage et de notre communauté. L'accompagnement des Montessori 7. Et ce que je vous propose aujourd'hui, c'est donc avant tout de mieux comprendre les enjeux du débat, parce qu'il n'y a pas que la question du time-out. Caroline Goldman a des positions très affirmées sur les enfants, à vos potentiels intellectuels, sur le TDAH, sur le rôle du père et de la mère, sur la psychanalyse, et tout cela vient souvent parasiter la discussion. Je voudrais me reconcentrer sur cette question spécifique du time-out et donc vous permettre de vous faire une opinion personnelle sur le sujet, et cela en essayant de faire preuve de toute l'honnêteté intellectuelle pour laquelle mon podcast est généralement reconnu et apprécié. Pour commencer, pourquoi le time-out de Caroline Goldman tombe-t-il à pic? pour faire le buzz? Cela fait près de 15 ans que je m'intéresse de très près à la parentalité et à la psychologie Et, en 15 ans, j'ai vu émerger différentes idées qui ont connu un effet de mode L'éducation bienveillante, la non-violence, les pédagogies alternatives, l'unschooling, etc.

Speaker 1:

Et, en fait, aucun de ces concepts n'était réellement nouveau. La non-violence, ça remonte aux religions de l'Inde très anciennes et au tout début du christianisme. Le terme lui-même de non-violence a été popularisé par Gandhi au début du XXe siècle, donc ça a plus d'un siècle. Pour l'éducation nouvelle, on peut remonter à Montaigne ou à Rousseau Et là encore, c'est au début du XXe siècle qu'elle reçoit ce nom d'éducation nouvelle et qu'elle prend son essor, avec de grands pédagogues comme Dewey, freinet, montessori, de Croli, etc.

Speaker 1:

De même, l'éducation bienveillante n'est pas en soi un concept nouveau, surtout s'il s'agit, comme l'indique l'étymologie du mot bienveillant, de vouloir le bien de l'enfant, parce que c'est le propre de toute éducation. Mais l'éducation bienveillante a réémergé sous ce nom il y a une quinzaine d'années, dans une petite niche, et je dirais il y a une dizaine d'années pour le grand public, en même temps que ces notions de non-violence, de pédagogie alternative, etc. Etc. Et le livre J'ai tout essayé d'Isabelle Filioza date par exemple de 2015. Tout cela a également profité de l'essor des neurosciences.

Speaker 1:

Grâce à l'IRM cérébrale, on en sait aujourd'hui beaucoup plus sur le fonctionnement du cerveau et ça a donné lieu à des recherches absolument passionnantes. C'est ainsi que la pédiatre Catherine Guéguen a pu écrire son livre. C'est ainsi que la pédiatre Catherine Guéguen a pu écrire son livre Pour une enfance heureuse, repenser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau. Tout cela a concordé, a convergé ces dernières années Et, comme à chaque fois qu'il y a une tendance de fond ou un effet de mode, certains s'y engouffrent jusqu'à l'extrême. Et si on cherche à reconstituer un petit peu l'historique des styles parentaux dominants, alors je vais faire une petite parenthèse sur ce que sont les styles parentaux. J'ai déjà fait un biais de blog qui récapitule les quatre styles parentaux et leurs caractéristiques. Mais, pour faire court, chaque style parental est défini suivant deux axes avec, d'un côté, le niveau d'empathie du parent envers l'enfant et, de l'autre, le niveau d'exigence du parent envers l'enfant.

Speaker 1:

Vous avez un style parental désengagé s'il y a peu d'empathie et peu d'exigence, on peut même parler de style parental négligent dans les cas extrêmes. On peut même parler de style parental négligent dans les cas extrêmes. No-transcript du pire, si vous voulez, au meilleur. Lorsque je dis le pire et le meilleur, ça n'est pas arbitraire de ma part, c'est qu'il y a des études qui étudient les effets de ces différents styles parentaux Et le pire est le style désengagé, surtout lorsqu'il est négligent. Ensuite, vous avez un style parental où il y a beaucoup d'exigence et peu d'empathie, c'est le style parental autoritaire.

Speaker 1:

Un peu au-dessus, vous avez un style parental avec beaucoup d'empathie et peu d'exigence, c'est le style permissif, ce qu'on appelle généralement une éducation laxiste et qui donne lieu à des enfants rois. Et enfin, le quatrième style parental, une empathie élevée et des exigences élevées, c'est ce qu'on appelle le style parental démocratique ou directif. Et c'est ce style parental qui engendre les meilleures conditions de vie, disons pour les enfants qui en bénéficient, qui développent chez eux le plus de qualité et entraînent le moins de conséquences néfastes comme la consommation de stupéfiants ou les parcours plus chaotiques au niveau aussi bien académique qu'affectif. Donc, voilà un petit récapitulatif de ces quatre styles parentaux. Et donc, si l'on reconstitue un petit peu l'historique des styles parentaux dominants depuis les années 50, voici ce qu'on pourrait observer en généralisant. Je précise bien que ce ne sont que des tendances. À chaque époque, il y a eu des parents qui avaient des styles parentaux diamétralement opposés, mais parmi ceux qui s'intéressaient à l'éducation, qui choisissaient un style parental. Donc, on parle évidemment de familles un petit peu plus bourgeoises. Voilà ce qu'on peut observer Dans les années 50-60, une domination du style autoritaire, avec même, dans l'excès, de la maltraitance et des enfants dressés à obéir En réaction.

Speaker 1:

Dans les années 70-80, on a pu observer un style permissif avec, dans sa version extrême, le fameux il est interdit d'interdire et même des idéologues qui mettaient en avant que l'enfant a le droit à une vie sexuelle comme l'adulte, avec même une tentative de réhabilitation de la pédophilie. Tout ça, malheureusement, était associé à cette époque. Dans les années 90-2000, la génération qui avait grandi dans les suites de mai 68, une fois arrivée à l trop s'occuper de leurs enfants, venait en contradiction avec ces principes. C'est un petit peu l'ère du jambon purée télé que certains d'entre vous ont peut-être connu, du club Dorothée ou des minicums. Et dans les années 2010, on a pu observer le développement de l'éducation bienveillante, avec un style parental qui oscille entre le style démocratique, donc le plus sain dans ses résultats d'après les études que je vous mentionnais, et le style permissif qui lui, pose des problèmes.

Speaker 1:

Et avec le développement de l'éducation bienveillante, les parents ont connu une culpabilisation sans précédent. Aucune pratique parentale n'est jamais assez bonne, puisqu'on peut toujours aller plus loin dans l'amour et la quête du bonheur pour son enfant. Et ça sans compter certains parents qui se posent en chien de garde de la bonne doctrine bienveillante et qui prennent un plaisir un peu malsain à détruire la confiance en eux des autres parents à coup de petits commentaires bien sentis sur Facebook, par exemple Ah ça, c'est de la VEO, c'est de la violence éducative ordinaire, ah, ça, c'est pas bienveillant, comme sur d'autres groupes répondent, ce n'est pas Montessori ou ce n'est pas de la motricité libre, de façon complètement lapidaire. Mais du coup, par peur de basculer dans cette fameuse violence éducative ordinaire qui est tant stigmatisée, certains parents en arrivent à une parentalité laxiste. Ça, c'est le style permissif dont je vous parlais précédemment.

Speaker 1:

Et par contre-coup, leurs enfants se mettent à chercher les limites, à provoquer et à devenir des enfants tyranniques. Mais ces parents ne savent plus comment les canaliser, car tous les outils de discipline qui étaient employés par leurs propres parents à la génération du dessus se retrouvent décrédibilisés par certains tenants extrémistes de l'éducation bienveillante. Par exemple, ils ont peur que s'ils disent non à leur enfant, on va leur répondre qu'ils sont de mauvais parents et qu'ils auraient dû dire stop ou valider les émotions de leur enfant. Donc, lorsqu'une psychologue écrit dans la presse qu'il faut remettre des limites éducatives et qu'elle possède LA solution, cela crée le buzz Entre, d'un côté, les partisans de l'éducation bienveillante qui se sentent attaqués, les parents désemparés qui se disent qu'il y a peut-être enfin une nouvelle solution à leur problème et l'entourage de ces fameux enfants rois, enfants rois qui ne sont qu'une minorité, mais une minorité qui fait beaucoup parler d'elles, et cet entourage se sent conforté dans l'idée que c'était quand même mieux avant les grands-parents en particulier, que de notre temps, ça ne se passait pas comme ça et qu'il faudrait un peu leur apprendre la vie, à ces gamins.

Speaker 1:

Les paroles de Caroline Goldman résonnent beaucoup auprès de ce public-là. Par ailleurs, en plus du sujet du time-out, caroline Goldman attaque sur plusieurs fronts. Elle affirme que le TDAH est extrêmement surdiagnostiqué et que, dans l'immense majorité des cas, ça désigne en réalité un manque de limites éducatives. Elle prétend que l'hypersensibilité et le mal-être qu'on associe souvent au haut potentiel intellectuel ne sont en fait qu'un malentendu. Et elle cherche à restaurer l'image de la psychanalyse, dont l'image n'est pas très rose en France actuellement. Mais tous ces thèmes annexes ou distincts ne vont faire que polluer le débat Et aujourd'hui, je voudrais me concentrer uniquement sur cette question du time-out.

Speaker 1:

Et avant tout, je reconnais que Caroline Goldman pose un diagnostic juste. Oui, dans beaucoup de cas, j'estime qu'il faut remettre des limites éducatives. Cela fait déjà des années que j'affirme sur ce blog que l'éducation bienveillante est une galaxie, une galaxie dans laquelle on trouve des modes de parentalité équilibrés, avec une juste proportion de fermeté et de bienveillance, et d'autres totalement permissifs, lorsque seule la bienveillance est mise en avant, sans aucune fermeté. J'ai déjà expliqué pourquoi je n'adhérais pas à la formule d'éducation bienveillante et pourquoi il me semblait indispensable de faire un tri parmi tout ce qui était proposé dans cette galaxie, car si l'on suit certains des préceptes de ce type d'éducation, et en particulier ceux qui sont les plus permissifs, d'un côté on culpabilise terriblement les parents et de l'autre côté, on renforce l'anxiété des enfants qui n'ont plus aucun cadre ni aucune limite.

Speaker 1:

Donc, oui, sur ce point, je partage totalement le diagnostic de Caroline Goldman. À notre époque, lorsqu'un enfant présente des problèmes de comportement, c'est souvent qu'il manque de limites éducatives. Personnellement, j'emploie plus souvent le terme de fermeté, mais ça revient au même. Je reprécise encore une fois que non, tous les enfants ne sont pas des enfants rois, loin de là. Mais il y en a sans doute beaucoup plus qu'à notre génération Et je crois qu'il y a aussi beaucoup plus de parents épuisés et tyrannisés à la fois par leurs enfants et par les préceptes à la mode qui sont relayés, entre autres, sur les réseaux sociaux.

Speaker 1:

Le problème de ces enfants rois est celui du manque d'équilibre entre bienveillance et fermeté. Lorsqu'il n'y a que de la fermeté, la relation est autoritaire, sans affection. Mais lorsqu'il n'y a que de la bienveillance, à l'inverse, la relation est laxiste, ce qui est perturbant pour l'enfant qui a besoin de repères. Jusqu'où peut-il aller, comme le dit parfois mon mari? jusqu'où ne pas aller trop loin? Et c'est là aussi que beaucoup de parents sont attirés par le discours sur le time-out de Caroline Goldman. Il faut avouer qu'il est plein de bon sens sur ce point Et chacun ressent, je pense, au fond de soi, qu'on est allé un peu loin dans l'écartement du cadre éducatif. On a éloigné les barrières et les limites. Or, ce cadre est important. Il permet de sécuriser l'enfant et de le guider pour devenir un adulte responsable. Mais là où nos avis divergent totalement entre Caroline Goldman et moi, c'est sur les moyens à employer pour réinsuffler un petit peu de fermeté à des modes d'éducation qui seraient uniquement bienveillants.

Speaker 1:

Parce que ce que propose Caroline Goldman, c'est en fait une déformation du time-out. Ce n'est pas le véritable time-out Et ça va peut-être vous paraître étonnant, mais ce n'est vraiment rien moins qu'une solution miracle, une recette systématique. Que propose Caroline Goldman? Je la cite dans son podcast Établir les limites éducatives. La solution tient selon moi en deux mots le time-out ou la mise à l'écart temporaire hors de l'espace commun. Et vous pouvez croire que j'exagère, que je caricature ces propos, mais je vous assure que non.

Speaker 1:

Caroline Goldman présente vraiment une feuille de route unique et universelle pour tous les enfants entre 1 an et 11 ans. Il y a une autre version pour les adolescents, sans limite d'âge, et ça, vous pouvez le vérifier dans son propre podcast. Pour vous éviter de faire tout ce que j'ai fait, c'est-à-dire d'écouter tous les podcasts de Caroline Goldman, voici les grands principes de sa feuille de route Premièrement, évoquer au moins une fois ses valeurs. Par exemple, personne ne se tape dans notre famille, nous nous soutenons, etc. Deuxièmement, anticiper les problèmes en proposant à l'enfant des façons d'agir positives avant qu'il ait eu l'occasion de mal se comporter Jusqu'ici.

Speaker 1:

Sur ces deux premières étapes, je suis parfaitement d'accord. Troisième point, beaucoup plus contestable, mais sur lequel j'insisterai assez peu parce que c'est une vision vraiment héritée de la psychanalyse et je pense que il y aurait beaucoup à redire dessus le père ou le second parent doit, d'après Caroline Goldman, incarner la loi et le respect des règles. Et ça, la mère doit l'investir dans ce rôle en disant des choses comme je dirai à papa ce que tu viens de me dire, je ne vais pas beaucoup insister, mais outre le fait que je trouve ça profondément infantilisant pour la mère, en fait, on observe que dans les familles où l'un des parents incarne la fermeté et l'autre parent la bienveillance, ça ne fonctionne pas. On a le pire des deux mondes, alors qu'il faudrait que chaque parent ait un équilibre entre fermeté et bienveillance pour avoir le meilleur des deux mondes. Quatrième point face à un comportement problématique, carol Engelman recommande de rester absolument stoïque Si l'enfant a entre 1 an et 2 ans, de se mettre à son niveau et de lui expliquer l'interdit au maximum 3 fois, en précisant que s'il recommence, il ira dans sa chambre.

Speaker 1:

Et si l'enfant a plus de 2 ans, elle recommande de lui dire simplement tu arrêtes ou tu sors. Je compte jusqu'à 3, et dans les deux cas, donc même à 1 an ou 2 ans, si l'enfant continue, il faut l'emmener dans sa chambre avec le minimum de mots, fermer la porte pas à clé, je précise et lui interdire d'en sortir. Voilà, en gros le cœur du système, le fameux time-out Pour Caroline Goldman. Ensuite, il faut aller chercher l'enfant après un temps qui aura été proportionnel à la désobéissance, et ça, j'y reviendrai. Enfin, en cas de résistance, si l'enfant crie ou tape sur la porte, on allonge la punition.

Speaker 1:

Dans son podcast, caroline Goldman s'appuie, entre autres, sur une brochure du Conseil de l'Europe sur la parentalité positive, qui date de 2008, pour légitimer cette solution du time-out. Or, la brochure mentionne bien le time-out, mais sans lui apporter de définition. Et pour Caroline Goldman, si l'enfant nous fait perdre un quart d'heure, par exemple, à ne pas vouloir faire ses devoirs, il doit aller au coin pendant une demi-heure À chaque fois. Elle recommande une punition qui double le temps perdu à cause du comportement. Problème, avec quand même une petite réserve ne pas dépasser deux minutes de time-out pour un enfant de moins de deux ans. Heureusement qu'il a quand même cette faible limite. Elle légitime aussi ses propos en citant le programme Barclay pour les enfants qui présentent un TDAH, ce qui est un peu surprenant car, dans le même temps, elle affirme que le TDAH est extrêmement rare et elle néglige la multitude d'autres outils qui sont proposés par ce fameux programme Barclay.

Speaker 1:

Barclay, d'ailleurs, propose plutôt ce qu'on appellerait en discipline positive, un temps de pause dans un endroit chaleureux de préférence pas la chambre qui doit rester un espace de jeu et de repos, et sous le regard du parent, le tout pendant une durée aussi courte que possible, à savoir pas plus d'une minute par année jusqu'à cinq ans et moins de cinq minutes ensuite. Enfin, caroline Goldman prétend s'appuyer sur les travaux d'Alan Kasdin, professeur de psychologie et de pédopsychiatrie à Yale. Or, là encore, elle déforme totalement ce qu'on appelle la méthode Kasdin. Vous pouvez consulter son interview dans le podcast Papatriarka, dans laquelle il affirme, après avoir fait des recherches scientifiques sur le sujet, la durée du time-out après une ou deux minutes ne fait aucune différence en termes d'impact. Il y a la question de Cédric de Papapatriarka, qui lui demandait, à propos du time-out, si j'ai bien compris, on n'enferme pas l'enfant et on ne le force pas physiquement. Il répond non, cela endommagerait votre relation avec votre enfant et ne développerait pas du tout les comportements que vous recherchez.

Speaker 1:

Donc, de manière générale, le time-out, qui est couramment utilisé et préconisé par certains pédagogues depuis les années 70 à peu près, est assorti d'une recommandation de temps très courte au maximum une minute par année de l'enfant, et lorsqu'on étudie les choses un peu plus en profondeur, comme Alan Kasdin, on parle même de seulement une ou deux minutes. Donc, on est bien loin du time-out de Caroline Goldman, qui peut très bien atteindre une heure si votre enfant vous a fait perdre une demi-heure au parc. En réalité, le time-out vient des sciences comportementales, un domaine qui est à l'opposé de la psychanalyse qui est pratiquée par Goldman, et un domaine qu'elle semble d'ailleurs mal maîtrisée. Le principe de base des sciences comportementales est que l'on renforce un comportement en y associant ce qu'on appelle un renforçateur. Ou bien on donne quelque chose qui fait plaisir ça peut être un bonbon, un câlin, une parole d'appréciation Et à ce moment-là, on parle d'un renforçateur positif parce qu'on apporte quelque chose.

Speaker 1:

Ou bien on retire quelque chose qui fait souffrir, par exemple en relâchant un enfant que l'on tenait de force, et là, ça va être un renforçateur négatif parce qu'on retire quelque chose. Lorsque j'évoque ces pratiques, comme tenir un enfant de force, ça ne veut absolument pas dire que je les cautionne, évidemment. Je donne simplement des exemples. De même, au lieu de renforcer un comportement, on va le réduire et on parle même d'extinction du comportement en y associant une punition. Par exemple, on retire quelque chose qui apporte du plaisir à l'enfant, comme le droit de regarder la télé, le droit d'avoir un dessert après le repas ou l'attention de ses parents.

Speaker 1:

Comme on retire quelque chose, on appelle ça une punition négative. Ou alors, on apporte quelque chose qui fait souffrir l'enfant, comme une fessée ou des phrases blessantes, et là, on va parler de punition positive. Alors, évidemment, ce n'est pas que la punition en elle-même est une bonne chose, c'est que cette punition est pratiquée en apportant quelque chose. Or, ces principes qui décrivent le comportement ne sont que des principes de description. Nous recherchons le plaisir et nous fuyons la souffrance.

Speaker 1:

Ça explique notre comportement. Mais l'utilisation des sciences comportementales fait appel à une éthique, une éthique dont voici certains principes que l'on peut retrouver, par exemple, au cœur de l'ABA, une méthode comportementale qui a été conçue pour aider plus spécifiquement les enfants neuroatypiques, comme ceux qui ont un trouble du spectre autistique. Premièrement, l'extinction d'un comportement, c'est toujours une solution de dernier recours Dans les sciences comportementales, et en particulier dans l'ABA, plus l'enfant dispose d'un répertoire, un comportement de désobéissance dans l'enfance. Mais le jour où l'enfant, devenu adulte, aura affaire à des comportements tyranniques, comme un régime dictatorial ou un patron qui cherchera à lui imposer des choses illégales, il ne sera plus équipé pour désobéir. On aura tout fait pour inhiber ce comportement chez lui Et on s'étonnera peut-être du comportement de la grande majorité des Allemands sous le régime nazi ou de la grande majorité des Français sous l'occupation.

Speaker 1:

Donc, premier principe, l'extinction d'un comportement, c'est toujours une solution de dernier recours. Donc, premier principe l'extinction d'un comportement, c'est toujours une solution de dernier recours. Deuxième principe, par conséquent, on ne cherche pas à supprimer, mais à réduire un comportement problème en proposant d'abord, à la place, un comportement plus adapté à la situation que l'on va renforcer. Là, on retrouve un petit peu les deux premières étapes de la feuille de route de Caroline Goldman, plutôt que les suivantes, à savoir proposer des façons d'agir positives avant qu'il ait un problème.

Speaker 1:

Troisième principe éthique de l'utilisation des sciences du comportement la punition qui permet d'éteindre un comportement. Elle est donc à adopter uniquement en tout dernier recours, quand tout le reste a échoué, parce qu'elle entraîne des conséquences qui sont graves pour le cerveau et le bien-être de l'enfant, ainsi que pour la qualité de la relation avec ses parents. Et donc, lorsque j'entends Caroline Goldman préconiser sa version du time-out, j'ai un petit peu l'impression d'un savant fou qui a découvert une technique certes efficace, du moins si l'enfant a été habitué dès sa plus jeune enfance à obéir, et je pense que c'est pour cela qu'elle recommande cette approche dès l'âge d'un an. Donc, une technique efficace, mais au niveau éthique tout à fait condamnable. Et parmi toutes les formes du time-out possible, aucune des autorités qu'elle invoque, le Conseil de l'Europe, la méthode Cazdin, la méthode Barclay, ne préconisent cette forme-là avec une telle durée du time-out. Alors, est-ce que ça fonctionne? Oui, sans doute dans une majorité de cas, du moins pendant un certain temps.

Speaker 1:

Est-ce éthique? Non, non, parce que ça s'appelle du dressage et c'est contre-productif à long terme, car cela blesse à la fois la relation et l'enfant. Cela crée chez l'enfant un sentiment d'abandon Et ça le conduit en fait à mieux cacher ses émotions ou ses comportements. Problèmes par la suite, mais ça ne va rien résoudre sur le fond.

Speaker 1:

Et que va-t-il arriver lorsque l'enfant se met à résister et à empêcher par la force son parent de fermer la porte de sa chambre? Doit-on en arriver à se bagarrer, à s'imposer physiquement, y compris quand on fait face à un enfant qui a déjà grand effort? Non, je trouve qu'on arrive tout de suite à une impasse. Mais alors, que peut-on faire à la place de ces fameux time-out? Et ce n'est pas la première fois que j'aborde cette question du juste équilibre entre fermeté et bienveillance. Oui, il faut poser des limites éducatives. Oui, il faut préserver l'estime de soi de l'enfant et la qualité de la relation parent-enfant. Et ça, c'est tout ce que l'on s'efforce de faire en discipline positive. C'est une ligne très fine sur laquelle nous devons marcher comme un funambule, mais n'oubliez pas que le funambule utilise une longue barre qui s'appelle le balancier. Cette barre a pour but d'augmenter le moment d'inertie, c'est-à-dire que lorsque le funambule avance, ses mouvements le déséquilibrent, mais le balancier réduit l'amplitude de ses mouvements et ça lui permet d'avoir le temps de se rééquilibrer. Et c'est la même chose avec les outils de discipline positive.

Speaker 1:

Lorsqu'on sent qu'on bascule vers trop de fermeté, on peut utiliser certains outils qui apportent davantage de bienveillance, par exemple le fait de se mettre à la hauteur de l'enfant et d'écouter ce qu'il ressent, sans pour autant, évidemment, renoncer à la fermeté en cédant sur le fond du problème. A l'inverse, lorsqu'on sent qu'on bascule vers trop de bienveillance, au sens où l'enfant n'a plus suffisamment de cadre et n'est plus sécurisé, on peut utiliser des outils qui apportent davantage de fermeté, comme celui qu'on appelle arrêter de parler et agir. Par exemple, les enfants font les idiots à l'arrière de la voiture alors qu'on va à la piscine. Pas de problème, on les a prévenus avant que, si c'était le cas, ce serait dangereux et qu'on s'arrêterait jusqu'à ce que le calme. On pourrait croire que le time-out de Caroline Goldman respecte également un certain équilibre.

Speaker 1:

Elle parle un petit peu de ce qu'on pourrait voir comme de la bienveillance sur le fait de rester stoïque dans les situations conflictuelles, comme une girafe qui ne s'énerve pas et qui observe la situation de très haut. Il y a un peu de bienveillance, et puis de la fermeté, avec l'exécution du time-out en lui-même. Mais il y a deux choses qui posent problème. Premièrement, pour elle, c'est une solution universelle qu'elle préconise pour toutes les situations où il faut poser des limites éducatives. Or, suivant les circonstances, il y aura bien d'autres outils plus adaptés, plus faciles à mettre en œuvre, comme l'humour, ça peut être le temps d'échange en famille, proposer des choix limités, surtout avec les tout-petits, pour qui le time-out représente une très grande violence. Donc, ce n'est pas pour rien qu'en discipline positive, on a plus d'une cinquantaine d'outils à notre disposition. Se contenter d'un seul outil, qui serait une recette miracle, c'est à mon avis dangereux et inefficace.

Speaker 1:

Deuxième problème, c'est l'ampleur que peut prendre cette punition du time-out, parce qu'on ne parle pas d'une ou deux minutes, mais peut-être d'un quart d'heure, d'une demi-heure, d'une heure, de deux heures. D'après Caroline Goldman, la punition doit durer le double du temps perdu à cause du comportement problématique. Et là, je suis désolée, mais on bascule dans de l'autoritarisme pur, dans de l'autoritarisme pur. Le peu de bienveillance dont on a fait preuve autour ne peut pas faire le point, et ce sont aussi ces aspects radicaux qui font que la solution plaît à une grande partie du public, qui croit avoir trouvé une solution miracle. Mais en ce qui me concerne, je crois qu'on peut être un petit peu plus nuancé et essayer de chercher des solutions qui respectent à la fois la personne de, l'enfant, la personne de l'adulte et la relation entre les deux.

Speaker 1:

En tout cas, c'est ce que je m'efforce de transmettre depuis des années et, au-delà de la controverse ou des polémiques autour du thème de Caroline Goldman, c'est ce que je continuerai à faire dans les années qui viennent. Je vous dis merci pour votre écoute. N'hésitez pas à partager cet épisode s'il vous a plu, si vous pensez qu'il éclaire le débat et qu'il peut peut-être aussi répondre pour vous à des personnes qui se posent des questions sur le thème math de Caroline Goldman. Et je vous donne rendez-vous mardi prochain pour un nouvel épisode du podcast. À très bientôt, votre petite souris 7. À bientôt. Sous-titrage Société Radio-Canada.