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6 minutes avec Mauro Poggia, ancien conseiller d'Etat chargé de la santé

Radio Lac Season 4 Episode 312

Il y a exactement cinq ans, le semi confinement était décrété, en Suisse. Plus de rassemblements privés et publics, fermeture des restaurants, bars ou encore commerces. L'ancien conseiller d'Etat chargé de la santé au moment du semi confinement, Mauro Poggia, était invité de Béatrice Rul, à 7h30, sur Radio Lac. 

Il y a exactement cinq ans, nous basculions dans la pandémie avec le semi confinement. Quelle image vous vient immédiatement en tête?

"D'abord, des grandes questions qu'on se posait. Comment faire ? Comment on va réagir ? Comment la population va suivre les directives ? Parce qu'on n'est évidemment pas habitué, on n'est pas un peuple, certes discipliné, mais pas forcément obéissant sans réfléchir et heureusement que c'est le cas. Et donc, comment faire en sorte que dans le terrain, ça se pratique avec des écoles fermées, avec quand même des lieux où on peut poser les enfants si on n'a pas d'alternative pour pas bloquer l'économie ? Le souci c'était évidemment un souci sanitaire mais c'était aussi une préoccupation économique".

Vous avez eu peur ?

"Pas peur, je crois que quand on est dans le bain, on n'a pas peur en tant que tel puisque très rapidement, on est entouré, on a mis en place d'abord une task force puis ensuite dès le mois de mai, un comité de pilotage. On a eu la chance d'avoir aussi un gouvernement qui était soudé dans cette période difficile avec bien sûr des voix discordantes mais qui se faisaient entendre à l'intérieur et pas à l'extérieur, ce qui permet aussi d'apporter une certaine confiance".

Est-ce qu'on est allé trop loin dans certaines mesures ?

"C'est toujours un équilibre difficile à trouver entre la sécurité, la santé et les libertés individuelles. Je pense que rétroactivement, s'il y a un point où on aurait pu faire mieux, c'est peut-être les relations avec les personnes âgées en institution puisqu'à un moment donné, on les a véritablement isolées, y compris des proches qui venaient les voir tant qu'on n'avait pas mis en place des systèmes de contact protégés et là certainement on a engendré des douleurs, sans parler de ceux qui ont perdu des proches, sans pouvoir leur dire adieu".

Il y a des choses que vous feriez différemment aujourd'hui ?

*Il n'y a que les imbéciles qui pensent faire tout juste, j'espère ne pas en être. Je pense qu'évidemment avec le recul, on se dit qu'on aurait pu mieux faire mais enfin, on est toujours plus intelligent après. Il ne faut pas oublier ce qu'était cette période avec des inconnus, on ne savait même pas comment le virus se propageait, on voyait simplement les cas se doubler de jour en jour au niveau de la positivité, avec, on le savait, avec 15 jours de retard, de recul, des arrivées de 10% des cas contaminés dans les hôpitaux et encore 10% approximativement des personnes hospitalisées qui finissaient en soins intensifs, avec le risque que si une personne était atteinte d'une, j'allais dire banale, crise cardiaque, ne pas pouvoir l'hospitaliser correctement".

Qu'est-ce que vous avez appris sur vous à ce moment-là ?

"C'est difficile. Je pense qu'on apprend qu'on arrive à dormir de moins en moins, qu'on arrive à créer malgré tout, je dirais, une ambiance qui soit agréable de travail avec les plus proches collaborateurs, avec ces équipes qui sont vraiment à la pointe de la connaissance et de l'action à ces moments-là. Et savoir maintenir, non pas le stress, mais un discours qui est peut-être apaisant. Ce qui me frappe le plus, je dirais, quand je vois des gens que je ne connais pas qui me reparlent de cette période, c'est qu'ils ont apprécié un discours qui n'était pas anxiogène lorsque l'on s'exprimait dans les médias. Et ça rassurait qu'on leur dise qu'on ne sait pas tout, mais qu'on essaye de faire le mieux. Je pense qu'on est heureusement dans un pays où on n'est pas un incapable lorsqu'on dit qu'on ne sait pas. On est au contraire un honnête homme".