Un marxiste occidental dit que la philosophie est, en dernière instance, la lutte des classes dans la théorie. Ce même marxiste ajoute que la définition du matérialisme, c’est de « ne pas se raconter d’histoires ». Pacôme Thiellement, lui, nous raconte des histoires (anecdotes des bas-fonds d’internet, de cinéma, de popculture, ou de théologie gnostique), et grâce à elles, porte, pourrait-on dire en pastichant, la lutte des classes, non dans la théorie, mais dans la théoria, θεωρία, c’est-à-dire, en grec, dans le spectacle – dans la sphère spectaculaire. Il porte, avec ses histoires, pourrait-on dire, la lutte des classes dans le spectacle.
Or, depuis quelques temps, renouant avec le sens originaire du mot propaganda – « propaganda fide », propagation de la foi –, le camp des bolloréens, les bolloroserviles, les laquais et vassaux de Bolloré mènent une offensive théologico-politique, c’est-à-dire nationale-catholique, grâce à CNews, à travers ce même spectacle. Ce camp est en train de théologiser et de christianiser la sphère spectaculaire et, face à cela, Pacôme mène une contre-offensive plutôt maline, très fine, qui, au lieu de vociférer en anticlérical athée d’arrière-garde contre les chrétiens, vient délicatement diviser la division, confronter le christianisme avec lui-même, réveiller ses courants les plus insurrectionnels, les plus hérétiques et les plus anarchistes – les manichéens, les cathares, les gnostiques, qui s’appelaient entre eux, les Bons Hommes, les Sans Roi – et qui se dressent, dans leurs traditions et leurs pratiques, autant contre l’Église catholique que contre l’Empire romain, autant contre la puissance sacrée que la puissance profane. Contre l’hypothèse catho-capitaliste bolloréenne, contre l’Empire qui n’a jamais pris fin, Pacôme Thiellement propose l’hypothèse des Sans Roi.
C’est cette hypothèse que nous allons explorer dans ce lundisoir.