
Prendre le pouls - Taking the Pulse
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Prendre le pouls - Taking the Pulse
Infertilité et Immunologie : Dre Geneviève Genest
L'infertilité peut-elle être traitée avec succès ? Pourquoi l'infertilité récurrente se produit-elle ? Un couple canadien sur six connaît des problèmes de fertilité. Si beaucoup deviennent parents grâce à l'insémination artificielle et à la fécondation in vitro, les traitements habituels ne semblent pas fonctionner pour certains. La Dre Geneviève Genest, immunologiste et chercheuse à l'Hôpital général de Montréal (CUSM), s'est donné pour mission d'en découvrir les raisons. En cours de route, elle aide la majorité des couples qui visitent sa clinique - une clinique unique au Canada - à tomber enceinte et à fonder la famille dont ils ont toujours rêvé.
Annie DeMelt s'entretient avec la Dre Genest pour savoir pourquoi le système immunitaire est important pendant la grossesse et comment certaines molécules sanguines, comme l'immunoglobuline, peuvent changer la donne pour certains couples.
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J'ai découvert, je vous dirais, une surspécialité en médecine que je ne connaissais pas mais qui est absolument fascinante. Donc comment est ce que le système immunitaire réussit à accepter une grossesse pendant neuf mois quand elle est supposée de faire le contraire?
Annie DeMelt:Bonjour, ici Annie de Melt et bienvenue à cette entrevue CODE ViE. On va parler aujourd'hui d'avancées dans le domaine de la médecine de la reproduction. On sait qu'un couple sur six au Canada a des problèmes de fertilité et heureusement plusieurs d'entre eux peuvent devenir parents grâce à l'insémination artificielle ou la fécondation in vitro. Par contre, pour certains couples, ces traitements là ne semblent pas fonctionner du tout et on ne sait pas pourquoi. C'est pour des raisons qui sont inconnues. Notre invité aujourd'hui a pour but d'aider ces couples à devenir parents. Docteure Geneviève Genest est immunologue et chercheuse à l'Hôpital général de Montréal où elle dirige une clinique unique au pays. Dre Genest, merci d'être avec nous.
Dre Genest:Merci de me recevoir.
Annie DeMelt:Alors je voudrais savoir. Je voudrais commencer par un couple sur six qui a des problèmes de fertilité quand ils se rendent à vous, quand ils cognent à votre porte ou on reçoit un courriel ou est ce qu'ils en sont justement dans leur cheminement d'habitude quand ils se rendent à vous?
Dre Genest:Pas mal loin donc quand on parle la statistique un sur six Québécois ont des problèmes de fertilité, c'est réel, c'est énorme. Mais les gens qui viennent à moi, c'est vraiment des patients qui pour lesquels on a vraiment aucune explication pour leurs fausses couches à répétition ou leur infertilité. Donc ils ont essayé multiples tentatives infructueuses, faites multiples fausses couches avec toute la médication qu'on a à offrir dans les programmes réguliers et ont toujours pas d'enfants. Donc c'est des patients qui ont passé plusieurs années en clinique de fertilité, plusieurs années à faire des fausses couches à répétition et qui sont vraiment au bout du rouleau. Donc leurs médecins leur disent désolé, j'ai aucune explication pour ce qui se passe et vous avez échoué tous mes traitements. Allons voir si c'est peut être pas le système immunitaire, donc c'est des patients qui sont vraiment en. Pas, pas nécessairement la fin de leur parcours, mais quand même en difficulté. Ils ont vécu beaucoup de hauts et de bas et ont vécu beaucoup de procédures médicales, beaucoup de fausses couches, beaucoup de transfert d'embryons, donc assez avancé dans le processus.
Annie DeMelt:Quand vous avez dit : au bout du rouleau. C'est au bout du rouleau, pas juste physiquement, mentalement et émotivement aussi, j'imagine.
Dre Genest:Oui, l'infertilité ou les fausses couches à répétition, c'est un marathon, c'est pas un sprint. Et puis, malheureusement, il y a beaucoup de hauts et des bas. Il y a beaucoup de deuils à faire. Il y a beaucoup d'émotions. C'est des patientes très vulnérables, c'est des couples très vulnérables. C'est des couples qui voient tous leurs amis avoir des enfants, tous leurs amis, parler de bébé, parler de maternité. Donc ça, c'est très difficile à ressentir et c'est très isolant. On se sent très seul dans tout ça. Donc les patientes que je vois vraiment, c'est des patientes qui ont fait beaucoup, beaucoup de tentatives, mais surtout, qui sont à un seuil d'émotion assez élevé quand elles arrivent dans la clinique qui est très vulnérables.
Annie DeMelt:C'est quoi la théorie en ce moment par rapport à ça? Qu'est ce que vous vous croyez qui se passe pour ceux qui n'ont pas vraiment de réponse en ce moment?
Dre Genest:C'est une excellente question. En fait, juste le fait que comme femme, on est capable d'avoir des grossesses, c'est un miracle immunologique. Donc si on y pense bien, le système immunitaire est vraiment là pour rejeter tout ce qui n'est pas à nous. Mais dans le contexte d'une grossesse, l'utérus est un organe qui accepte un fœtus qui ne nous ressemble pas à 50 % et qui donne le droit à ce fœtus là de se développer en bébé. C'est assez extraordinaire comme phénomène. Donc si on y pense bien, le système immunitaire est absolument très très important pour une grossesse normale. Donc durant le cycle menstruel de la femme, le système immunitaire est recruté au niveau de l'utérus et ce système immunitaire là est utile pour reconnaître l'embryon, aider l'embryon à s'implanter, aider l'embryon à former un placenta, mais aussi
dire au reste du système :n'attaquez pas, il y a quelque chose de parfaitement normal qui se passe. Donc on pense que certaines patientes qui ont des échecs de la reproduction, donc des fausses couches à répétition ou des multiples tentatives infructueuses à la fécondation in vitro, on pense qu'il y a un problème avec ce processus là.
Annie DeMelt:Ok, mais on ne sait pas exactement qu'est ce qui se passe exactement, c'est ça?
Dre Genest:Exactement, et c'est très frustrant parce qu'on n'a pas de bons modèles animaux et on n'est pas capables de faire des biopsies de l'utérus pendant que la femme est enceinte, parce qu'on peut provoquer une fausse couche. Donc, il y a comme une espèce de boîte noire de phénomènes immunologiques qui se passent au début de la grossesse qu'on est pas capable d'aller chercher comme scientifiques. Donc on devine ce qui se passe. On a quand même de la bonne littérature pour supporter que le système immunitaire doit grandir avec la grossesse et doit aider la grossesse tout au long de la grossesse, mais on ne sait pas exactement ce qui se passe. Donc pour ces patientes là, on n'a pas de test pour déterminer que leur problème est immunologique à la base, et l'infertilité ou les fausses couches à répétition d étiologie immunologique sont vraiment un diagnostic d'exclusion. Donc on y pense seulement lorsque la femme a fait de multiples tentatives et est toujours pas enceinte et a échoué tout ce qu'on a à lui offrir. Mais en plus, toutes les investigations qu'on fait d'habitude sont normales. Donc c'est vraiment juste là qu'on commence à penser à un problème au niveau du système immunitaire.
Annie DeMelt:C'est une cause aussi qui vous a interpellé au plan personnel lors de votre résidence et qui vous a permis de faire certains liens pour en arriver où vous êtes aujourd'hui? Parlez nous un petit peu de cette cette connexion, ce lien personnel.
Dre Genest:Dans la résidence, mon conjoint et moi avons décidé qu'on voulait des enfants, donc on a commencé à essayer, mais malheureusement on a fait plusieurs fausses couches. Et puis c'est à peu près à ce moment là que j'ai été admise dans le programme D'immuno-allergie. Et puis, à peu près deux mois plus tard, je faisais une clinique avec Docteur Phil Gold.
Annie DeMelt:Qui est une personne très connue.
Dre Genest:Qui est une personne très connue. C'est un médecin extraordinaire et un chercheur extraordinaire à l'Hôpital général de Montréal. Et puis, lui justement faisait une clinique d'immuno-allergie. Puis c'est quand même quelqu'un que je connaissais de loin juste à cause de sa personnalité, de ses connaissances scientifiques, de ses publications. Donc je le connaissais de ce qu'il avait fait avant, mais là c'est rendu mon mentor ou au moins mon professeur à ce moment là. Et puis justement, on avait vu un cas dans la clinique, une femme qui avait fait plusieurs fausses couches il me semble, c'était sept ou huit fausses couches. Puis là je me demandais comme résidente en immunologie allergie, qu'est-ce que cette patiente faisait dans notre clinique? Donc je vais voir Docteur Gold et je lui dit
:c'est quoi ça? Qu'est ce qu'on fait pour cette patiente
là? Il dit :Ah inquiète toi pas, donne lui des immunoglobulines intraveineuses, tu verras, elle va devenir enceinte. Ah ok, alors c'est ce qu'on a fait. Donc finalement, on a traité cette femme là avec un produit sanguin qui s'appelle les immunoglobulines intraveineuses. Et comme de fait, elle est tombée enceinte et elle a pu garder la grossesse jusqu'à la fin. Et à partir de ce moment là, moi j'étais complètement surprise et j'ai découvert, je vous dirais, une surspécialité en médecine que je ne connaissais pas, mais qui est absolument fascinante. Donc comment est ce que le système immunitaire réussi à accepter une grossesse pendant neuf mois quand elle est supposée faire le contraire? Donc ça, c'est vraiment venu me chercher surtout, oui, au niveau personnel, mais au niveau scientifique aussi. Comment expliquer ce phénomène là?
Annie DeMelt:Pour ce qui est de l'immunoglobuline, c'était quelque chose qui se donnait? Parce que c'était un peu surprenant de voir cette femme là dans une clinique d'allergie, comment ça fonctionnait pour ce traitement là?
Dre Genest:Il y avait quand même quelques publications dans la littérature à ce moment là sur l'utilisation des immunoglobulines intraveineuses qu'on dit hors indication. Donc les immunoglobulines intraveineuses, si donné avec une assez grande quantité, peut changer la façon que le système immunitaire perçoit son environnement. Donc on pense que les immunoglobulines intraveineuses dans la fertilité vont rétablir la capacité du système immunitaire à reconnaître l'embryon et aider l'embryon à s'implanter et à ne pas le rejeter. Donc on avait un petit peu de littérature à ce moment là. Pas beaucoup. Et puis c'est une molécule qui était intéressante. On l'avait essayée sur quelques patientes, donc on avait une cohorte de quinze patientes pour lesquelles on a vraiment traité avec des immunoglobulines intraveineuses parce qu'on avait rien d'autre à leur offrir. Et comme de fait, treize de ces patientes là sont tombées enceinte. Donc on s'est dit ok, on va continuer. Et de fil en aiguille, on s'est ramassé avec un petit peu plus que 100 patientes. Et puis 60 % d'entre elles ont des bébés en ce moment.
Annie DeMelt:Wow, alors là, la clinique, elle est unique au Canada, ça ne se fait pas ailleurs. Pourquoi? Parce que c'était un nouveau concept d'essayer de justement de faire ça de façon plus coordonnée, plus méthodique si on veut? Qu'est ce qui fait que la clinique est unique?
Dre Genest:Bien, c'est la seule clinique en centre universitaire au Canada qui fait de l'immuno-fertilité, donc un immuno-allergologue qui s'attaque vraiment aux problèmes de fertilité. Et puis c'est une clinique unique parce qu'on fait affaire avec toutes les cliniques de fertilité au Québec et tous les centres d'obstétrique au Québec. Donc c'est vraiment un centre de référence pour des patientes qui ont vraiment tout échoué, pour lesquelles leurs médecins ont rien d'autre à offrir. Donc, on recueille ces patientes là en clinique. Et puis c'est une clinique qui est unique au Canada aussi, parce qu'il n'y a pas de formation qui existe. Donc moi, quand je cherchais justement une formation avant de pouvoir me lancer en pratique, c'était impossible. Donc il y a aucun centre qui offre cette formation là. Donc il faut aller chercher des petites parts de différentes formations pour pouvoir faire ce que je voulais faire.
Annie DeMelt:Mais là, maintenant, c'est quelque chose que vous offrez?
Dre Genest:Exactement. Donc depuis trois ans, on a un programme de fellowship pour l'immunologie de la reproduction, donc on prend des résidents en immuno-allergies et bientôt en médecine interne et en fertilité et on leur enseigne un peu c'est quoi la théorie derrière tout ça et quelle molécule on peut utiliser pour favoriser les issues chez des patientes infertiles ou ayant des fausses couches à répétition.
Annie DeMelt:Vous avez quelqu'un à Québec, si je me trompe pas.
Dre Genest:Oui, on a une fellow en ce moment qui est en congé de maternité, donc ça s'en vient bientôt. Elle était enceinte jusqu'à hier, je ne sais pas si elle à eu son bébé depuis hier ou pas, mais c'est une résidente de médecine interne qui a fait son immuno-allergie, qui est intéressée justement par l'immunologie de la reproduction et elle fait son fellowship avec moi pour, bien en fait il lui reste six mois là, et puis elle va devenir mon homologue à Québec, donc on va être deux au Québec à faire ça. On va pouvoir collaborer sur des projets de recherche, on va pouvoir se partager des patientes, nos connaissances. Et puis j'espère que de fil en aiguille, on va pouvoir faire ça avec des résidents au travers le Canada pour apporter l'expertise dans d'autres provinces aussi.
Annie DeMelt:On a parlé d'éléments de chance, si on veut, dans les découvertes. Et puis bon, la pandémie, ç'a a été tout un défi pour beaucoup de monde, dont pour la clinique. Ça a représenté quoi la pandémie pour vous? Et quelle opportunité est ce que ça vous a donné aussi?
Dre Genest:Ça, c'est une excellente question. Donc, la pandémie, nous on n'a jamais chômé. On a continué à avoir toutes nos patientes en personne, en télémédecine, on n'a jamais arrêté nos activités, donc on a pu continuer ça. C'était vraiment incroyable. On s'est adaptés comme tout le monde. Et puis, le gros problème avec la pandémie, c'est qu'il y avait une pénurie de donneurs de sang. Donc ça, ça veut dire que les produits sanguins sont plus rares et doivent seulement être réservés pour des patients qui en ont absolument besoin. Donc le gouvernement, pendant ce temps là, a pris la décision de réserver les immunoglobulines intraveineuses pour certains patients et interdisait l'utilisation hors indication des immunoglobulines. Donc on n'y a pas eu accès pour des patientes avec des problèmes de fertilité pendant deux ans. On a pu faire du lobbying auprès du gouvernement pour obtenir les immunoglobulines intraveineuses, qu'on a depuis le 3 janvier 2023, mais durant les deux ans de pandémie, on a dû trouver d'autres solutions. Donc c'est retourner à la littérature, aller voir d'autres cliniques, qu'est ce qu'elles font? Quelles molécules utiliser? Quels tests faire? Donc on a réussi à trouver plusieurs molécules qu'on pouvait utiliser pour ces patientes là durant le moment de la pandémie. Et on a réalisé en fait qu'il y a certaines molécules qui fonctionnait très bien et qu'on avait peut-être pas besoin d'immunoglobulines intraveineuses. Donc, ce que la pandémie nous a permis de faire, c'est vraiment retourner dans tous les dossiers de toutes les patientes qui ont été traitées à la clinique pour voir combien de patientes avaient des naissances vivantes avec les immunoglobulines ou avec d'autres traitements comme la cortisone, le plaquenil et d'autres traitements qui sont fait dans d'autres cliniques. Et puis, on a pu réaliser que ces traitements là nous donnaient des naissances vivantes et en ce moment, les critères d'accès pour les immunoglobulines, c'est avoir échoué d'autres traitements plus simples avant de passer par ça.
Annie DeMelt:Ça serait des options peut-être dites plus simples avant de se rendre là.
Dre Genest:Oui, exactement. Peut-être avec moins d'effets secondaires, un traitement moins onéreux. Parce que pour une injection d'immunoglobuline intraveineuse, il faut quand même rester en clinique 4 h. Ok, donc c'est une demi journée de travail perdue pour recevoir des immunoglobulines intraveineuses, tandis que d'autres médicaments qu'on peut donner par la bouche, par exemple. Puis ça c'est un traitement à domicile.
Annie DeMelt:Donc on a un problème et puis on a certaines solutions qui semblent bien fonctionner. Qu'est ce qui manque? C'est le lien entre les deux qui manque, c'est le test, qu'est ce que vous faites en ce moment pour essayer d'élucider ça?
Dre Genest:Ça aussi c'est une excellente question. Parce que le problème, quand on a un couple comme ça qui arrive en clinique, c'est qu'on n'a pas de tests pour dire votre problème est immunologique à la base, voici la molécule qui va mieux vous aider. Ou à l'inverse, vous avez pas de problème immunologique. Allez chercher ailleurs, vous perdez votre temps dans ma clinique. Et si on n'est pas capable de faire ça, à ce moment là, on devine ce que la patiente a de besoin. Donc oui, on devine très bien, on fait des tests, on regarde l'historique de la patiente, on parle avec nos collègues, donc on fait hypothèses scientifiques, si on veut, mais ça demeure qu'on n'a pas de tests pour diriger nos traitements et donc on n'a pas la possibilité d'offrir une médecine personnalisée. Ce qui est vraiment approprié pour ces patientes là qui sont vraiment en fin de parcours. Donc, nous, ce qu'on fait pour pallier à ça, c'est qu'on inclue toutes les patientes qui arrivent dans la clinique dans un registre, pour pouvoir documenter quelles molécules est-ce qu'elles ont reçu. C'est quoi les issues? C'est quoi les effets secondaires? Est-ce qu'elles ont été capables d'avoir un bébé oui ou non? Et l'autre chose qu'on est en train de faire, c'est, on prend des prises de sang avant et après le traitement pour essayer de voir s'il y a des différences au niveau du système immunitaire entre les patientes qui réussissent avec ces traitements et avec les patientes qui ne réussissent pas, avec les traitements versus les patientes qui sont capables d'avoir des bébés sans traitement. Et on essaie de voir. Est ce qu'il y a une différence immunologique entre ces patientes là pour voir si on est capable d'avoir un test, éventuellement, à développer pour diagnostiquer l'infertilité ou les fausses couches à répétition d'origine immunologique.
Annie DeMelt:Vraiment, le test sanguin, ça va faire toute la différence, là, vous croyez?
Dre Genest:Je pense que oui. Bien au moins être capable de déterminer si le problème est immunologique à la base pour pouvoir mieux cerner les traitements. Donc au moins partir avec ça, ça va déjà être énorme.
Annie DeMelt:Pour vous et pour les patients aussi, pour avoir des réponses.
Dre Genest:Pour les patients surtout, pour avoir des réponses. Parce que le gros problème en infertilité inexpliquée ou en fausses couches inexpliquées, c'est vraiment ça, c'est le inexpliqué. Donc je trouve comme être humain, on essaie toujours d'avoir des explications, on essaie de tout expliquer et quand comme couples on n'est pas capable d'avoir des bébés, mais tout le monde autour de nous est capable d'avoir des bébés. On a tout essayé pour avoir un bébé, puis on est toujours pas capable, ne pas savoir pourquoi, c'est très difficile, c'est très isolant. Donc même si on est capable de leur dire ah ben voici votre problème, c'est un problème immunologique, voici comment je peux vous traiter, ça, ça aide beaucoup. Mais à l'inverse de dire c'est pas un problème immunologique, vous n'avez pas besoin de mes traitements, ça aide énormément aussi.
Annie DeMelt:Comment est ce qu'on pourrait mieux vous supporter dans ce que vous faites? Parce que là, vous êtes très investis personnellement aussi, mais vous avez besoin d'infrastructures, si je ne me trompe pas.
Dre Genest:C'est vraiment de l'infrastructure qu'on a besoin. Premièrement, c'est d'avoir quelqu'un sur le plancher, donc d'avoir une infirmière, même à temps partiel, une infirmière qui est vraiment dédiée à cette clinique là, qui est capable de répondre aux courriels des patientes, qui est capable de céduler les patientes, qui est capable de prescrire des tests. Des fois, tu sais, on a des patientes qui nous arrivent avec une nouvelle grossesse, mais il faut qu'on fasse les tests, il faut qu'on les envoie voir des consultants, il faut qu'on suive la médication. Donc vraiment avoir quelqu'un pour coordonner tout ça va nous permettre de voir beaucoup plus de patientes. Parce que là, en ce moment, c'est moi qui fait tout ça, c'est les patients qui m'envoient directement des courriels. Donc éventuellement, si je veux voir plus de patientes, il faut vraiment cette infrastructure là pour pouvoir prendre soin des patientes qu'on a. Et puis sinon, c'est vraiment d'avoir une infirmière de recherche pour pouvoir être sûre que les échantillons se rendent à bon port, pour manipuler les échantillons en laboratoire, pour pouvoir être sûrs que toutes les patientes sont rentrées dans toutes les bases de données, pour pouvoir coordonner avec d'autres cliniques, puis éventuellement se bâtir un réseau panquébécois, pancanadien. Et puis c'est d'avoir une coordonnatrice de recherche pour nous aider avec tout ça. Donc vraiment, c'est la clé en ce moment, c'est vraiment l'infrastructure pour nous permettre de voir plus de patientes et avoir plus d'impact, former plus de gens.
Annie DeMelt:Puis, qu'est ce que vous souhaitez pour vos patientes? Pour les couples qui viendront voir ou pas à l'avenir. On a parlé de médecine plus spécialisée, de tests plus précis, ou est ce que vous pensez qu'on s'en va? Puis qu'est ce que vous souhaitez pour ces gens là qui ont des problèmes de fertilité en ce moment?
Dre Genest:J'espère qu'on s'en va vers un test diagnostique. Moi je pense qu'on va être capable. Puis c'est vraiment le test diagnostique qui est vraiment très très important. Mais ce que je souhaite pour ces couples là, c'est vraiment de ne pas se perdre de vue durant le processus, parce que c'est tellement facile, il y a beaucoup de stress, il y a beaucoup d'émotions, il y a beaucoup de deuils à vivre. Et puis des fois, les patients sont tellement investis dans le processus et dans l'explication de la chose qui s'oublient comme couple. Donc il y a un très haut taux de divorces, de séparations chez les couples qui traversent des épreuves comme ça, juste parce que c'est ça, on se perd de vue, on médicalise trop la chose. Donc tu sais c'est vraiment de déresponsabiliser le couple, de dire c'est pas de votre faute, il y a un problème médical, c'est pas de votre faute s'il y a un problème médical, c'est de notre faute si on est pas capable de le trouver. Donc aidez-nous à trouver le problème médical, attendez qu'on fasse l'évaluation et puis on va pouvoir vous aider. Donc pour une grande majorité de ces familles là, on va être capable de leur donner un enfant, mais des fois ça ne marche juste pas. Et puis être capable de dire ça à un couple,
de dire :ça ne marchera pas naturellement, on s'en va ailleurs. Don d'ovules, mères porteuses, adoption. Ça aussi c'est thérapeutique, parce qu'à ce moment là, on se décroche de ce projet là et on est capables de se concentrer sur un autre projet ensemble.
Annie DeMelt:Merci beaucoup Dre Genest. Wow, c'est puissant de dire c'est pas vous, c'est nous qui ont pas encore les réponses. Merci beaucoup. Merci pour ce que vous faites. Vous êtes évidemment très apprécié. Merci d'avoir écouté cette entrevue CODE ViE présentée par la Fondation de l'Hôpital général de Montréal. Pour en savoir plus sur la recherche de Dre Genest et sur d'autres initiatives qui sont soutenues par la générosité de nos donateurs, vous pouvez visiter le site web de la Fondation CODEViE.ca. Aussi, vous pouvez nous suivre sur les médias sociaux et n'oubliez surtout pas de vous abonner au balado pour plus d'entrevues CODE ViE. Merci encore et à la prochaine entrevue.