
Emergences de Sens
Emergences, le podcast où l'on pense.
Dans ce podcast, nous explorons la psychologie, la philosophie et la spiritualité pour créer les conditions de possibilité d’une vie efflorescente.
Emergences de Sens
Pensées de Marc-Aurèle 1
Dans cet épisode, nous lisons et analysons une pensée des Pensées pour Moi-Même de Marc Aurèle.
Il s'agit de la première pensée du Livre 2:
"Chaque matin, dis-toi d'avance: je vais rencontrer un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un égoïste".
Voyons comment nous pouvons nous inspirer de cette pensée pour diminuer notre stress quotidien et faire émerger le meilleur de chaque situation et de chaque rencontre.
{“Chaque matin, dis toi d'avance, je vais rencontrer un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un égoïste”. }
-> Et aujourd'hui, nous lisons une nouvelle pensée de l'empereur philosophe Marc Aurèle.
Marc Aurèle, en latin Marcus Aurelius Antoninus, était l'empereur de Rome au IIᵉ siècle après Jésus-Christ. Il était également philosophe. Il nous a laissé un ouvrage qui s'intitule Pensées pour moi-même qui n'était pas destiné à la publication. C'était en réalité son journal intime dans lequel il “s’auto-coachait” (pour faire un anachronisme un peu hardi) en vue de devenir cet homme vertueux qui était l'idéal des philosophes stoïciens.
Voici la première phrase de la première pensée du livre II des Pensées pour Moi-Même de Marc-Aurèle, je cite:
“Chaque matin, dis toi d'avance, je vais rencontrer un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un égoïste (...)" Fin de citation.
Alors on le voit avec cette citation, on entre d'emblée dans l'esprit du stoïcisme, qui est une philosophie éminemment pratique qui nous permet de nous guider dans l'existence grâce à des principes que l'on peut appliquer directement dans nos vies au quotidien.
Fondamentalement, ce que les stoïciens cherchent à faire, c'est à minimiser l'impact des facteurs extérieurs sur notre état intérieur et l'objectif est d'arriver à un maximum de sérénité; ce qui pour les stoïciens, est un des moyens de poser les conditions de possibilité d’une vie heureuse, en accord avec sa nature. Cette notion de d’adéquation avec la nature est au coeur du stoïcisme et comme c’est un point important, je l’aborderai dans un autre podcast. En attendant, retenons que pour les stoïciens, on ne peut pas être heureux si on est victime de nos émotions et si on laisse les circonstances extérieures modifier notre état intérieur.
Revenons à cette première pensée. On pourrait la moderniser et nous l’approprier en se disant: “aujourd’hui je vais rencontrer des gens dysfonctionnels”. Ça, c'est une manière beaucoup plus moderne d'interpréter cette cette phrase. Et c'est vrai. Au cours de la journée, on rencontre des gens qui sont eux mêmes victimes de leurs émotions et qui donc, en tout cas certainement momentanément, sont dysfonctionnels.
Et donc, pour reprendre le principe directeur de la pensée stoïcienne, on a affaire à une personne qui a, en tout cas momentanément, laissé des facteurs extérieurs modifier son état intérieur et cela se manifeste par des attitudes telles que de la mauvaise humeur, de l’aigreur, de la négativité mais aussi par un manque d’investissement, de motivation ou par de l’incompétence. Et donc dans notre journée on va rencontrer des gens de mauvaise humeur, des gens négatifs ou hypocrites ou des incompétents.
Si on pense de cette manière, on se confronte à la réalité. C’est une sorte de “reality check”! Et c’est important de faire cela régulièrement car nous avons naturellement tendance à espérer que les choses vont se passer comme on le souhaite, en fonction de nos attentes et de nos critères. Mais ce faisant nous nous leurrons et nous nous faisons du tord car la réalité est souvent loin de nos espérances et nous prenons le risque d’être souvent déçus.
Prenons un exemple: Imaginons que vous avez un nouveau boss qui fait du micro-management. Il corrige chaque virgule qui n’est pas à la bonne place, vous fait des remarques sur le format de votre rapport plutôt que sur le fond, il rôde autour de vous toute la journée en quête de la moindre petit erreur qu’il s’empresse de corriger. Avoir un supérieur qui se comporte de cette manière est terriblement stressant et bien entendu, il est difficile de faire du bon boulot dans ses conditions.
Si vous vous réveillez demain matin en pensant “Aujourd’hui mon boss va me laisser travailler tranquillement et va me féliciter en fin de journée pour le travail accompli” vous vous mettez dans une situation qui ne peut qu’engendrer de la souffrance. Vous serez inévitablement déçu et vous allez rajouter du stress à une situation déjà stressante en soi. Alors que si on suit le conseil de Marc-Aurèle, on se confronte à la réalité qui est que cette personne s’est comportée d’une telle manière dans le passé, il y a peu de chance pour qu’aujourd’hui elle change de comportement. Je dois donc me dire: “Aujourd’hui, mon boss va me stresser avec son micro-management. Ca c’est ma réalité.
Cette manière de poser les choses nous permet de reprendre un peu de contrôle sur la situation et appliquer un autre principe du stoïcisme qui est de prendre soin de distinguer ce que je peux contrôler et ce qui est hors de ma zone d’action. Je ne peux pas contrôler le comportement d’autrui mais je peux contrôler la perception que j’en ai.
Si je reprends mon exemple, à la fin d’une journée de travail au cours de laquelle ce boss n’a épinglé que des choses négatives on peut avoir tendance à douter de soi, à se sentir incompétent.
Mais si on s’attend à ce que la personne se comporte de cette manière alors on peut travailler sur notre perception. Nous pouvons profiter de la situation pour nous entraîner à nous détacher du regard des autres et nous libérer de l’influence que les autres ont sur nous.
Le stoïcisme est souvent perçu comme une philosophie qui nie les émotions. Il faudrait, selon cette vision se débarrasser entièrement de nos émotions et vivre uniquement en fonction de la raison. Ceci est une vision tronquée de ce courant philosophique. En réalité, les stoïciens englobent les émotions dans leur “anthropologie”, dans la manière dont ils perçoivent l’humain. Mais ils ont également conscients que se baser uniquement sur les émotions pour guider nos actions n’est pas souhaitable. C’est ici qu’intervient la raison comme agent modulateur des émotions. Il y a un incessant dialogue entre notre part émotionnelle et notre part rationnelle. La partie rationnelle se base sur les valeurs pour guider nos actes et nos décisions. C’est ainsi que Marc-Aurèle poursuit sa première pensée:
“Chaque matin, dis-toi d’avance: je vais rencontrer un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un égoïste. Tous ces vices proviennent chez eux de l’ignorance du bien et du mal.”
“L’ignorance du bien et du mal” peut être modernisé par “ils n’ont pas les ressources pour faire mieux et ne savent même pas qu’il y a des ressources à “avoir”.
Ce sont des personnes qui n’utilisent pas leur raison, elles pensent mais de travers c’est-à-dire qu’elles pensent mais leur pensée s’opèrent dans la continuité de leurs émotions.
Si je reprends l’exemple du boss micro-manager, on peut tout à fait imaginer que depuis qu’il a eu sa promotion, il a peur: il est maintenant responsable d’une équipe et s’il y a une erreur c’est lui le responsable. Sa peur génère des pensées de type “je dois tout contrôler sinon ça va être la cata” et son comportement est calqué sur ses pensées.
Selon les stoïciens, cette personne n’a pas accès à l’éthique qui est à prendre dans son sens premier: cela vient de Ethos qui signifie comportement. S’il utilisait sa raison, ce responsable s’apercevrait très vite que son comportement est irrationnel et contre-productif:
- il ne peut pas contrôler tout ce que font les membres de son équipe à tout moment donc cette notion de contrôle est irréaliste
- Il stresse les gens et le rend prompts à l’erreur. Ainsi il crée les conditions pour que ce qu’il craint le plus se produise; il fait des prédictions auto-réalisantes!
Bref, en tous cas, il rend tout le monde malheureux y compris lui-même parce qu’il n’utilise pas la raison pour dicter comment il doit se comporter. A l’inverse, s’il l’utilisait il pourrait créer dans son équipe une atmosphère telle que tout le monde se sente à l’aise, soit plus productif et plus heureux au travail. S’il se confrontait à la réalité plutôt qu’à un scénario catastrophe élaboré par son imagination poussée par la peur, il verrait les membres de son équipe tels qu’ils sont: l’un est très compétent, très expérimenté et travaille parfaitement bien si on lui fiche la paix, l’autre est un peu plus anxieux et a besoin d’encouragements et de feedbacks fréquents, un troisième est très efficace le matin mais peine davantage l’après-midi et donc il est sage d’adapter ses tâches en fonction de cette information.
On le voit, dès que l’on commence à penser en termes de réalité, on déploie une infinité de nuances d’actions à poser qui impacte tout le monde et on transforme un cercle vicieux en cercle vertueux. C’est à ce titre que les stoïciens entendent la vertu: c’est se comporter selon la nature des choses, les voir telles qu’elles sont et non telles qu’on aimerait qu’elles soient. Et une fois qu’on voit cette réalité telle qu’elle est, on peut adapter notre comportement de telle sorte que le meilleur puisse émerger de n’importe quelle situation.
Pour les stoïciens, bien se comporter repose donc sur l’usage de la raison et amène l’individu à la vertu qui, elle-même est le terreau fertile sur lequel croît le bonheur.
Avant de vous quitter voici une petit exercice:
Chaque matin, je me demande quelles situations ou quelles types de personnes je vais rencontrer dans ma journée et sachant cela, comment puis-je envisager de réagir de la manière qui fera émerger le meilleur dans chacune de ces situations ou dans chacune de ces rencontres.
Merci de m’avoir écoutée, j’espère que cet épisode aura apporté un petit plus dans votre vie et je vous fixe rendez-vous dans un prochain podcast!