Parlons Voix !

E02 - La voix qu’on retient, la voix qu’on libère

Parlons Voix Season 1 Episode 2

Parfois, parler peut devenir un véritable conflit intérieur : un équilibre fragile entre le désir de s’exprimer et la peur d’être entendu. Ce tiraillement psychophysiologique, souvent discret, s’imprime pourtant dans le corps : chez certaines personnes, notamment introverties ou anxieuses, les muscles se tendent avant même que la parole ne sorte

Dans certains cas, ce surcontrôle musculaire autour du larynx peut entraîner une dysphonie de tension musculaire (DTM), soit une voix tendue, serrée, fatigable. Ce trouble découle rarement d’une seule cause. Il résulte plutôt d’un ensemble de facteurs interdépendants — notamment psychologiques, respiratoires, posturaux ou neuromusculaires — qui conduisent à une adaptation motrice. Une fois installée, cette adaptation peut persister, même après la disparition du stress initial.

Selon la théorie des traits de personnalité, le niveau d’extraversion pourrait même influencer le type de trouble vocal développé : les personnes extraverties, qui parlent fort et souvent, seraient plus sujettes à des lésions vocales, tandis que les personnes introverties, qui retiennent davantage leur voix, pourraient être plus à risque de dysphonie de tension musculaire. Des différences significatives dans l’activité musculaire extra-laryngée ont d’ailleurs été observées entre extraverti·es et introverti·es lors d’une prise de parole en public, et d’autres études confirment un lien entre traits de personnalité et caractéristiques vocales.

Mais si les émotions peuvent inhiber la voix, elles peuvent aussi l’enrichir et la porter. Certaines voix apaisent, rassurent, invitent à la parole et à l’écoute. Leur timbre, leur intensité ou leur hauteur influencent la manière dont nous percevons notre interlocuteur·rice.

Lorsqu’on s’écoute soi-même sur un enregistrement, notre propre voix nous semble étrangère : on ne reconnaît pas le son car notre perception naturelle combine conduction osseuse et conduction aérienne – or, l’enregistrement ne laisse que le son transmis par l’air ! Des études récentes montrent que restaurer la conduction osseuse permet de retrouver sa voix perçue et améliore significativement la reconnaissance de soi, révélant que notre perception vocale est fondamentalement multimodale. Au-delà de cette surprise acoustique, notre attitude vis-à-vis de notre propre voix influence profondément notre comportement. L’évaluation que l’on fait de sa voix — agréable ou désagréable, trop aiguë, trop nasale… — a des effets sur la confiance en soi, la présentation de soi et les interactions sociales.

La voix est bien plus qu'une empreinte personnelle : elle s’ancre dans l’interaction. Dans le dialogue, elle s’adapte, s’accorde, se module à celle de l’autre. Ce phénomène d’ajustement mutuel - ou « vocal alignment » - se manifeste notamment par des variations de l’intensité, de la fréquence fondamentale, du timbre ou du rythme de parole.

Aucune voix ne ressemble à une autre : son timbre, son grain, portent l’empreinte singulière de celle ou celui qui la produit. Cette hétérogénéité est une richesse : la diversité vocale humanise, rapproche et valorise les singularités. Apprenons à écouter les voix telles qu’elles sont, avec leurs singularités et leurs fragilités. Célébrons la beauté de la pluralité !

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