
Briser le silence
La mission de 'Briser le silence' est d'éduquer et de sensibiliser le public sur les sujets complexes liés à la violence sexuelle, au consentement, et aux dynamiques de pouvoir entre les individus.
En déconstruisant les mythes nuisibles et en donnant la parole aux femmes et aux victimes, le balado vise à aborder des sujets percutants d’une manière ouverte et divertissante.
Brisons le silence à travers ce processus d’accompagnement et de guérison de la société!
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- Cette initiative est soutenue par le Secrétariat à la condition féminine -
Briser le silence
Épisode #9 - Le féminisme intersectionnel
Dans cet épisode, intitulé "Le féminisme intersectionnel", la discussion explore comment les différents statuts de chaque personne dans la société influencent les expériences de violence sexuelle.
Les invitées discutent de l'importance de considérer l'intersectionnalité pour comprendre les disparités dans les formes de violence vécues par les femmes et les personnes marginalisées. L’épisode soulève plusieurs questions essentielles, par exemple, comment les systèmes de pouvoir exacerbent-ils les violences sexuelles en fonction de l'origine ethnique ou le statut socio-économique ? Ou encore, comment le féminisme intersectionnel permet-il de mieux défendre et soutenir toutes les victimes, en tenant compte de leurs vécus uniques ?
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Bonjour, bienvenue au neuvième épisode du balado Brisez le silence. Comme vous pouvez le voir aujourd'hui, on a eu un petit conflit d'horaires, donc on a changé les décors pour cette fois-ci seulement. On va retourner dans nos locaux pour le prochain enregistrement. Aujourd'hui, on a reçu deux invités, deux merveilleux invités, pour parler de plusieurs enjeux qui touchent les femmes avec une lunette de l'intersectionnalité. Donc on espère que cette discussion-là vous plaira. Bonne écoute. Notre balado aborde les violences sexuelles et leurs conséquences. Il peut aussi être question de traumatismes, de violences, de suicides, de consommations, d'automutilation et autres. Cet épisode s'adresse à un public averti. Cette initiative est soutenue par le Secrétariat à la condition féminine. Bienvenue à Brisez le silence. Votre balado traitant des violences sexuelles, de consentement et des dynamiques de pouvoir entre les individus. Votre animatrice, Juliette Marcoux, ainsi que ses invités, échangeront sur ces réalités qui concernent l'ensemble de la population. Merci d'être à l'écoute. Ensemble, brisons le silence. Bonjour, bienvenue au balado Brisez le silence. Je m'appelle Juliette Marcoux et je suis votre animatrice. Je suis en compagnie de Marie, que vous avez déjà vue dans un autre épisode, qui va co-animer avec moi aujourd'hui. Puis on est aussi avec deux invités. Bienvenue. On a avec nous Véronique Gauthier et sa star, Castro Sabala. Donc bienvenue, mesdames. Merci. Ça va bien? Oui. Bien. Bien. Toujours un peu stressée. Oui. Toujours un peu stressée. Un balado, c'est votre première expérience. C'est ce qu'on se disait tantôt, là. Oui, de balado. C'est sûr que nous, on a plus l'habitude d'aller dans des congrès ou de présenter dans les clubs. Oui. Et qu'on fait quand même des présentations, mais d'être enregistrée comme ça sous forme de discussion, pour moi, c'est une première expérience. Est-ce que c'est une première expérience? J'ai refait des balados, mais pas avec l'image. Alors c'est différent. Oui, il y a les deux maintenant. Écoutez, vous pouvez prendre le temps de vous présenter un petit peu. On a entendu dans les classes, tout ça. Fait que de présenter un peu ce qui vous êtes, ce que vous faites. Je voudrais que Sastar commence. Bon, moi, Sastar Castrosabala. Je suis actuellement professeure en travail social à l'UQAR au campus Lévis. Et dans mon ancienne vie, j'étais intervenante à la maison d'hébergement pendant 12 ans, ici au Québec. J'ai travaillé beaucoup avec des familles migrants. Et bon, j'ai fait la recherche, un peu comme plusieurs professeurs. Je m'intéresse à la violence conjugale en contexte d'immigration. Mais aussi, j'enseigne. Et on fait beaucoup d'autres choses à côté de ça. Je suis actuellement directrice du programme de maîtrise en travail social aussi. Alors c'est un peu ça. Un chapeau pour le monde. Merci. Moi aussi, je suis professeure en travail social à l'UQAR avec Sastar. Ça va faire ma deuxième année. Donc, c'est assez récent. J'ai un parcours très travail social. Moi, j'ai fait ma technique, bac, maîtrise, doctorat en travail social. Puis dans tout ça, j'ai vécu plein d'expériences à différents niveaux. Puis, comme je disais, Sastar tout à l'heure, on a différents chapeaux. Fait que oui, on est des professeurs. On enseigne des cours. Mais aussi, on fait de la recherche. Puis en plus de ça, Sastar a une rôle plus dans l'administration de la recherche, de la direction de la maîtrise. Donc voilà. Puis moi, cette année, je suis plus dans les stages. Donc avec les étudiants en travail social dans les différents milieux. Bien, merci d'être venue ici, de venir parler. On sait que ça peut être différent. Mais on est super contentes de vous avoir avec nous. Je suis certaine que ça va être une très belle discussion. Vous vous êtes présentés. Fait que là, j'imagine que les gens se posent un petit peu de questions. Ça va être quoi notre sujet aujourd'hui? On trouvait important de parler sur le balado de l'intersectionnalité, plus particulièrement l'impact que ça a avec les violences sexuelles. Donc je ne sais pas si une définition, ça serait comme pertinent pour commencer. Mais oui, c'est quoi ça, l'intersectionnalité? Parce que c'est un gros mot, mais c'est quoi en soi? Bon, c'est une bonne question. C'est très large sur le plan. Ça part fort. J'ai essayé d'allurer ça de façon simple. Je dis, c'est un cadre d'analyse. Mais quelquefois, pour le personnel, c'est un cadre d'analyse. C'est comme des lunettes. Moi, j'ai mes lunettes ici. C'est les lunettes avec lesquelles on voit des choses. On analyse les choses. C'est sûr que s'ils changent de lunettes, ils voient certaines choses ou ils arrêtent de voir les autres. Alors dans le cadre de l'intersectionnalité, c'est une lunette d'analyse qui nous permet de pouvoir considérer les différentes formes d'oppression que les personnes peuvent vivre. Et c'est des formes d'oppression qui peuvent être liées à notre appartenance sociale à certains groupes. Par exemple, un groupe social, comme être une femme d'un certain d'une couleur de peau ou une femme racisée, ça peut être lié à notre identification de femme ou pas, au fait de, par exemple, d'avoir une classe sociale, ou on parle beaucoup aussi des oppressions qui sont liées à l'handicap aussi, alors il y a plusieurs formes d'oppression, de domination un peu, qui vont être des obstacles pour les personnes aussi, quand il s'agit de la vie quotidienne. Donc des femmes qui sont handicapées vont avoir des obstacles différents qu'une femme, par exemple, immigrant, qui est latino-américaine comme moi, qui a un accent à une femme, et par exemple, immigrant, qui ne parle pas la langue et qui vient d'un autre pays, par exemple. Alors, chaque position sociale, chaque appartenance nous met dans des positions sociales différentes, qui nous donnent des privilèges et qui nous créent des obstacles, c'est un peu ça, de façon très concrète. Oui, et puis je pourrais rajouter aussi que dans cette lunette d'analyse-là, on va aller observer plusieurs choses, donc on ne va pas juste aller voir les oppressions que la personne vit au niveau personnel ou intériorisé, mais on va aller voir ce qu'elle vit de façon interpersonnelle, on va aller voir les structures sociales, on va aller voir les institutions, les politiques. C'est aussi une lunette qui est très très très grande, comme disait Sasa tout à l'heure, les limites, elles ont toutes leurs limites, à un moment donné, on ne voit plus dans les côtés, donc ça nous permet de voir certaines choses et pas, mais l'intersectionnalité, moi je trouve que c'est une lunette qui est très grande, c'est une très grande lunette. C'est une lunette qui permet de voir toutes ces choses-là en même temps et non pas isolées. Exactement. Exactement, parce que les personnes les portent dans la vie quotidienne, je ne suis pas une femme immigrante, et après je suis une femme, et après je suis une femme immigrante, et avec tous les composants qu'il y a, je les vis tout ensemble. C'est l'ensemble. Effectivement. Et t'sais, nous, on voulait discuter avec vous aujourd'hui de comment ce concept-là, en lien avec les violences sexuelles, pouvait vraiment, t'sais, c'est pas quelque chose qu'on peut, t'sais, comme vous avez dit, on ne regarde pas une composante, on le regarde l'ensemble. Donc une femme, par exemple, immigrante qui vit des agressions sexuelles, ben on ne peut pas, ou on ne peut pas juste dire « ah ben c'est une femme qui a vécu des agressions », si c'est une femme immigrante, il faut regarder le portrait qui est global. Fait que c'est un petit peu de voir comment ces oppressions-là, une par-dessus l'autre, j'ai envie de dire, peuvent venir impacter, que ce soit la dénonciation, la recherche d'aide, tout ça. Fait que c'est un petit peu de ça qu'on voulait discuter, là, avec vous, parce que nous, on le voit, à Viols secours, donc t'sais, ça serait de mentir, de dire que ça fait pas une différence, ça n'en fait une, là. Puis, t'sais, on voulait en discuter parce que je pense qu'il y a plusieurs personnes qui peut-être sont au courant, mais pas de l'ampleur de la situation, puis comment ça peut affecter les personnes. Qu'est-ce que tu en penses, Marie? J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. J'avoue. de la sexualité, allant jusqu'à justement le vécu d'oppression, d'agression sexuelle. Donc, au niveau des impacts, il peut en avoir plusieurs. Est-ce qu'on parle des... tu veux avoir des impacts sur les agressions sexuelles, qu'est-ce que ça peut avoir chez ces femmes-là? En fait, c'est que j'anime un groupe, moi, avec des femmes qui sont en situation d'handicap. Je pouvais entendre, par exemple, avec le fait qu'elles ont besoin de transport, elles ont besoin d'aide à la maison, elles ont besoin de supports divers, ce qui fait en sorte que, malheureusement, il y a des gens qui sont en position d'autorité, j'ai envie de dire, si c'est ton chauffeur d'autobus, si c'est ton chauffeur de taxi, qui fait en sorte qu'elles peuvent se sentir vulnérables, puis qu'il n'y a pas grand-chose à faire, mais elles ont besoin de ces services-là. Je trouvais ça difficile d'être témoin de ça, puis de me rendre compte qu'il n'y a pas de solution, mais ces femmes-là vont avoir besoin de ces services-là, elles n'ont pas le choix. De vivre avec tout ça, cette charge-là aussi, le stress, je trouvais ça quand même difficile à entendre. Je me demandais si ces femmes-là, tu en avais déjà entendu parler. Dans mon projet doctoral d'enfants, j'ai rencontré 22 femmes en situation d'handicap dans 8 régions administratives du Québec, avec différentes conditions, dont handicap visuel, auditif, mobilité, etc. Tu parlais du transport adapté, c'est plus des handicaps au niveau de la mobilité. Toutes ces femmes-là ont un vécu différent, mais les préoccupations sont les mêmes pour toutes au final. Ce sujet-là venait les chercher beaucoup. C'est un sujet que vous savez, les agressions sexuelles, qui est tabou à la base pour notre société en général, mais aussi pour elles. Quand elles ont participé à la recherche, c'est là que j'ai vu aussi que quand on prend l'analyse intersectionnelle, on peut voir plusieurs facettes d'oppression qui sont, oui, au niveau de la violence sexuelle, mais aussi au niveau de la violence qu'elles peuvent vivre de façon interpersonnelle, au niveau des stéréotypes dans notre société. Il y a toute cette violence qui se réunit ensemble pour faire en sorte qu'effectivement, il y a des obstacles liés à ça. Ce n'est pas évident de sortir de ces situations-là. Ce sont des situations qu'on peut voir qui ont des impacts plus grands sur des plus longues périodes, parce que ça va être plus long, puis il va falloir être très créatif. Je suis en train d'en parler tout à l'heure, mais ils ont développé plusieurs actions que je pourrais vous parler tout à l'heure, pour essayer de se sortir de ces situations-là. Mais effectivement, le prime à bord, c'est quelque chose qui les préoccupe beaucoup, parce que justement, de ce que j'ai eu comme témoignage, il y avait des agresseurs sexuels qui étaient des prestataires de soins de santé, des professionnels de la santé. Il y avait des chauffeurs de transport adapté, chauffeurs de taxi. Il y avait des proches, des membres du voisinage, d'entourage, après des parents, des conjoints. Donc, ça fait que c'est des gens qui sont souvent très proches. Quelques personnes m'ont parlé d'étrangers dans la rue, mais c'était très, très arrivé. Mais ce n'était pas la majorité. C'est comme si le rapport, l'handicap jouait comme un élément-clé dans un grand rapport de pouvoir plus grand, possiblement, entre ces personnes-là et ces femmes-là, j'imagine. C'est parce que j'essaie de faire un lien aussi avec, par exemple, des femmes immigrants ou des femmes racisées, parce que ce n'est pas tous immigrants nécessairement. Mais quand tu es dans une position dans laquelle tu es vu comme si tu ne serais pas dans la même position, tu n'es pas le même, où il y a une représentation de ce pouvoir que tu peux avoir. Par exemple, des femmes qui peuvent dire « je ne veux pas dénoncer », parce qu'elles vont croire plus à lui. C'est comme moi, ma parole n'est pas prise en compte, parce que je suis une femme noire ou parce que je suis une femme immigrante, parce qu'elle ne parle pas bien la langue, par exemple. Alors, possiblement, ma dénonce ne va pas avoir beaucoup de poids, parce que les messieurs, par exemple, si c'est un monsieur québécois, pour donner un exemple, lui, il va gagner. Lui, il est un avocat. Lui, à niveau de classe sociale, à niveau du fait qu'il sait que l'homme, c'est une femme, le fait que lui, il est d'ici. Moi, je suis d'ailleurs. Lui, il parle très bien. Moi, il ne parle pas très bien. Donc, là, avec ça, c'est déjà un frein pour certaines femmes. Alors, j'imagine que pour l'handicap, c'est un peu… – Bien oui. Puis, c'est vraiment la même chose que j'ai pu voir dans mes recherches, c'est que les femmes me racontaient, c'est des gens qui s'expriment bien, souvent les agresseurs qu'elles ont eus. C'est des gens de la communauté qui ont beaucoup d'éducation. Les femmes, il faut savoir, en situation d'handicap, ce qui était particulier, c'est qu'il y avait beaucoup d'éducation dans les femmes que j'ai rencontrées, mais très peu étaient actives pour différentes raisons. Manque d'accessibilité dans les milieux d'emploi, manque d'accessibilité Il manque d'accessibilité aussi au niveau même du logement, du transport, etc. Donc le fait d'avoir des barrières au niveau de l'accessibilité tout le temps, ça fait en sorte qu'ils sont très isolés, alors que les personnes qui ont un rapport de pouvoir, t'as parlé d'un rapport d'autorité tantôt, souvent c'est des gens intégrés qui ont justement un réseau plus grand, un réseau social plus grand, qui sont reconnus. Puis il y en avait même là-dedans qui étaient des militants, qui aidaient beaucoup la cause des personnes en situation de handicap, qui étaient aussi très investis. Mais l'un ne va pas sans l'autre, parce que c'est ça, que tu fais du bien à certaines facettes de ta vie, que tu ne peux pas à la fois aussi avoir fait des actes d'agression sexuelle. Au niveau de la crédibilité, puis le fait d'avoir un handicap souvent, en général, on dit une femme en situation de handicap physique, peut-être qu'elle a des handicaps aussi au niveau cognitif. Il y a comme des représentations. Je pense que la question qu'on parle d'intersectionnalité, c'est trop gros, c'est comme si on le pensait comme des grands boules. On pense à toute la partie des politiques, des structures sociales qui existent et qui vont donner des avantages à certains groupes comparativement à d'autres groupes. Toute la partie qu'on appelle culturelle, c'est toute la question des valeurs, des représentations sociales qui existent sur certains groupes. Et toute la partie disciplinaire ou institutionnelle, comment les institutions marchent. Il peut y avoir des lois, mais comment est-ce qu'on applique la loi, comment est-ce qu'on donne des services, par exemple, c'est d'un certain principe, d'un certain cadre. Et toute la partie interpersonnelle aussi, comme les quotidiennes ou les liens entre les personnes. Quelquefois, on reste beaucoup dans la prévention de l'interpersonnel. C'est comme cette femme-là, comment faire pour qu'elle se sorte d'une relation de violence, comment elle travaille beaucoup en violence conjugale. On regarde l'individuel avant d'observer la suite. Et on oublie que même si elle décide de quitter, ou même si elle décide, par exemple, elle dit « bon, je reconnais que c'est la violence », ça se peut qu'à un niveau structurel, cette femme-là n'est pas reconnue socialement, elle ne va pas croire aux institutions. Alors, ça va être plus difficile d'énoncer. Bien, absolument. Et au niveau des valeurs, des croyances, ça arrive de croiser des femmes qui nous mentionnent « oui, je suis consciente, mais pour moi, le divorce ou de briser ma famille, ce n'est pas quelque chose qui est possible. Donc maintenant, on fait quoi?» Mais si tu regardes à l'individuel, tu te dis « mon Dieu, il faut sortir de là, c'est ce qu'il faut faire ». Mais quand on regarde le portrait au complet, tu te dis « oui, bien là, c'est sûr que finalement, il y a d'autres nuances à regarder ». Puis c'est là que ça devient, en tant que femme blanche québécoise, je trouve ça confrontant parce que je me dis « mon Dieu, je veux tellement t'aider ». Mais après ça, quand tu prends tout le reste, tu te dis « OK, bien, il faut que je m'adapte à ça, puis je vais t'aider en prenant tout en considération ». Mais des fois, on l'oublie et on se dit juste « ah, je veux tellement aider cette personne-là » qu'on essaie de glisser en dessous du tapis le reste. Oui, puis c'est la sortie de chez eux pour les femmes en situation de handicap, c'est la sortie d'un milieu qui est adapté, qui est accessible pour elles. Fait que là, si tu la sors de là, sachant qu'il y a très peu de maisons qui sont accessibles au Québec, c'est une affaire comme 40 %, qui sont plein penchées et qui sont accessibles. Puis avec la crise qu'il y a en ce moment, c'est impensable. C'est impensable souvent juste de se loger. C'est très complexe encore plus pour les femmes en situation de handicap parce qu'il faut trouver un endroit adapté. Souvent, ça va finir qu'elles vont aller en institution. Elles ne veulent pas aller en institution. C'est ça aussi. Puis après, avec le faible revenu qu'elles ont, parce que souvent, leurs revenus sont basés soit sur l'aide sociale, les rentes liées à l'invalidité, ou certaines ont travaillé, mais justement, comme tu disais, toutes les obstacles liés au travail qu'elles vivent, ils n'ont pas encore de rentes liées au travail. Donc, ça fait en sorte qu'ils n'ont pas beaucoup d'argent. Donc là, comme tu n'as pas beaucoup d'argent, tu ne peux pas aller dans des milieux où il y a beaucoup de services ou beaucoup de proximité. Donc, tu dois t'éloigner. Donc là, tu vas dans des régions plus éloignées. Quand tu es dans des régions plus éloignées, tu t'éloignes des services. Ça devient plus complexe encore d'avoir accès à des choses. Donc, l'isolement se fait encore plus. Tu peux aller dans des endroits, peut-être dans des endroits où il y a plus de violence. On va le dire, il y a des quartiers quand même, des endroits où c'est plus violent. Donc, ils sont encore plus à proximité avec la violence qu'il peut y avoir. C'est ce qui fait que tout ça, une action va en enchaîner une autre. Donc, le premier réflexe d'être en armes, c'est de dire là, il faut que je la sorte. Attention, il faut réfléchir comment on va le faire et qu'est-ce qui est possible dans le milieu où on vit. Exact. Je pense que c'est ça qu'on doit réfléchir avec la personne elle-même. Parce qu'il y a des choses qu'on ne voit pas. C'est comme, on a des sangles mortes. Moi, par exemple, il y a des choses que je vois, mais possiblement, je ne peux pas penser. Avec une femme avec un handicap. Il y avait plusieurs enjeux, on va se dire, pas seulement liés à l'handicap, sinon liés à l'accès à des interprètes. Alors quand on combinait tout ça ensemble, c'était vraiment difficile de trouver, même simplement s'asseoir et parler avec la personne, parce qu'il y avait tellement de barrières pour simplement communiquer et comprendre la situation, que moi je n'y aurais pas pensé du tout. Alors c'est comme d'essayer de se mettre des lunettes, et quelquefois on force beaucoup pour essayer de voir des choses que l'on n'est pas capable de voir, et ça se peut qu'on ne les voit pas. Alors je pense que le deuxième réflexe serait de se dire, écoute, je ne vois pas, est-ce que tu vois, toi? Qu'est-ce que toi, tu vois? Oui, exact. Ce n'est pas moi, c'est la personne. Alors si on arrive à faire ça, je pense qu'on va voir les choses que l'on n'est pas capable de voir. Ça serait le plus difficile à faire. Ça a changé un peu notre façon de travailler. Tu sais, ça ne part pas d'une mauvaise intention de vouloir sortir cette personne-là de son milieu, mais quand on voit après ça tous les impacts, comme l'exemple que tu as donné, qui était, c'est excellent, tu sais, tout l'impact que ça peut avoir au niveau du logement, puis tout ça, c'est là qu'on se rend compte, OK, je pense qu'il faut que je prenne un peu de recul, que je prenne le temps de regarder, puis de travailler en collaboration avec une équipe aussi. C'est ça qui est intéressant parce qu'on a tout notre bagage, tout ça, ça permet d'avoir une meilleure vue d'ensemble, mais je pense que c'est ça. Ce n'est peut-être pas un réflexe qu'on a encore, on tombe plus dans l'interpersonnel, comme vous avez dit, rapidement. Mais c'est à mettre en place et à travailler parce que ça ne peut pas juste être l'interpersonnel, de ce que je comprends. Mais je trouve ça tellement important ce que tu disais, Sastal, elles ont des savoirs, elles ont les connaissances, elles ont des expériences, elles ont déjà essayé de tenter des choses entendues parler dans leur réseau, d'autres solutions qui fonctionnent, qui ne fonctionnent pas, des obstacles. C'est vraiment important, justement, de remettre tous ces savoirs-là ensemble, de les partager. Moi, quand je les ai rencontrés dans ma recherche, je les ai rencontrés deux fois. Donc, la première fois, je prenais un peu leur témoignage, qu'est-ce qu'elles avaient envie de me partager par rapport à tout ça. Ça allait au-delà de mes questions de recherche, je voulais vraiment répondre à leurs besoins de transmettre des connaissances sur le sujet. Puis après, la deuxième rencontre, elles me posaient des questions. Puis les autres, qu'est-ce qu'ils ont dit? Parce que c'est tabou, ils ne se voyaient pas, ils n'ont pas toujours de rencontre, même s'ils se voient dans les activités sociales X, dans des organismes qui permettent de les rassembler, ce qui est très bien, ça reste un sujet qui est difficile. Donc oui, d'être comme médiatrice aussi, comme intervenante ou comme professeure ou chercheure, de pouvoir transmettre ces informations-là entre elles, puis des activités de vulgarisation comme aujourd'hui, ou d'aider le client, des vidéos, c'est quelque chose qui permet, justement, de donner ces informations-là, puis d'avoir toute la vision d'ensemble, un peu développer une vision ensemble de ce qui est possible. Et quoi qu'il est difficile, c'est les sujets aussi. L'agression sexuelle, c'est un sujet tabou. Même actuellement, je veux dire, on est encore en train de discuter sur les consentements. C'est quoi les consentements? C'est un sujet d'actualité encore, entre les jeunes, même entre les adultes. On a vu tellement de situations passer dans les médias. Toute la question de c'est quoi les consentements? Donc, dans certains contextes, ou avec certaines femmes, on est même en train de discuter, c'est quoi l'agression sexuelle? Alors, comment je peux l'énoncer? Comment je peux aller chercher de l'aide? Comment je vais parler? Si, en première, c'est un sujet tabou. Deux, je ne sais même pas, je veux dire, ce n'est pas qu'elle ne sait pas que c'est une agression. Elle n'est pas définie comme agression sexuelle. Ça ne veut pas dire qu'elle est contente avec ça. Ça, c'est important de faire la différence. Quelquefois, on dit que la personne a eu de la violence, et on ne sait pas c'est quoi la violence. Non, mais la femme, beaucoup de femmes, si on leur pose la question directement, on dirait, ah oui, je vais rester dans sa relation, ou je ne me sens pas bien. C'est la même chose avec l'agression. C'est sûr que personne ne veut être là, mais ça se peut qu'elle ne sait pas, que ça s'est reconnu comme un problème. Qu'il existe assistance, qu'elle peut demander de l'aide. Qu'il y a des recours. C'est ça. Puis, ce qui est intéressant aussi, c'est quand j'ai fait la recherche, il y a des femmes que, justement, vu que je les avais rencontrées dans un autre projet avant, qu'on parlait de sexualité en général, il y en a qui ne m'ont jamais dit le mot agression sexuelle. Mais ils me disaient, la sexualité pour moi, c'est difficile. Ce que je vis, ce n'est pas satisfaisant. Des fois, même si c'est violent. Mais ce n'est pas une agression sexuelle, ce n'est pas un viol. Puis, ils me disaient, ce n'est pas si grave. Dans le fond, la sexualité, c'est une partie de ma vie, ce n'est pas toute ma vie. Il y a comme quelque chose au niveau de juste la prise de conscience de l'agression sexuelle. Pour faire attention, parce que moi, je faisais attention, je ne disais pas le mot agression si elle ne l'employait pas. Et je ne voulais pas l'amener vers une prise de conscience si elle n'y allait pas, vers cette prise-là. Pourquoi? Parce que, premièrement, je ne suis pas en intervention, donc je n'avais pas à faire ce bout-là. Mais au-delà de l'intervention, même si j'avais envie de dire, Si j'attends l'intervention, si je n'ai pas un portrait clair de toute la situation et comment je peux l'accompagner, si je vais trop vite dans la prise de conscience, non seulement elle va prendre conscience de toute cette violence-là, mais en plus, elle va rester dedans parce qu'on ne peut pas la sortir rapidement. Est-ce qu'on veut vraiment faire plus de tort avec toutes ces prises de conscience-là si on y va trop vite, si on ne peut pas la sortir? Il y a comme toute cette espèce de rythme. C'est multi-couches, tu l'as mentionné. C'est ça. Je trouve que dans cet exemple-là, tu mets les lunettes justement de la personne, sa situation, comment elle se décrit, se voit actuellement sans avoir à décider pour elle. Regarde, c'est ça que tu vis en ce moment. Moi, je ferais ça. Il faut sortir et y aller d'emblée dans nos grandes solutions. Dans nos grands élans. Oui, c'est ça. De moi, je vois ça, donc c'est ça qu'il faut faire. Mets-toi dans ta vision. C'est important, on me dit tout le temps, respecter le rythme de la personne. C'est une des meilleures attitudes que tu peux avoir avec quelqu'un qui parle de violence sexuelle. Le rythme, elle nomme quand même plusieurs choses, que ça peut être violent, que tout ça. Il y a une certaine prise de conscience, puis après ça, le travail des intervenantes qui n'étaient pas évidemment le tien, mais c'est de l'accompagner tranquillement à réaliser que c'est ça, si c'est ce qu'elle souhaite à ce moment-là. Nous, c'est sûr que les femmes qui viennent dans nos services, souvent, elles sont prêtes à l'adresser, mais on voit quand même un certain déni par certaines formes d'agression sexuelle. C'est comme ça, ce n'est pas si grave. Ça, ce n'est pas une agression. Ça, c'est une agression. Ça, on le travaille tranquillement. Ça, nous aussi, mais c'est tout le temps le rythme. Je n'arrête pas de le dire, on va à ton rythme, c'est le rythme de la personne en tout temps. Des fois, dans ce qu'elles se font dire aussi, c'est normal que tu vives ça en relation, puis c'est comme ça. On laisse aller, mais là, elles viennent chercher de l'information, puis on se rend bien compte que justement, elles le sentent que ça ne fonctionne pas, qu'il y a quelque chose. Mais en même temps, ce n'est pas ça qu'on m'a dit. Il y a beaucoup de confusion, des fois, au niveau des valeurs ou de ce qui se passe en général, mais là, je pense à certains exemples aussi où je vais essayer de ne pas donner trop d'informations. Des fois, c'est ça, ça n'existe juste pas. D'où elle vient à la base, mettons. Ça n'existe juste pas l'agression sexuelle, je vais dire, avec des gros guillemets. Juste de venir s'asseoir pour venir chercher le service, tu ne savais même pas que c'était possible d'avoir ce service-là ou que ça existait. Ça freine beaucoup dans la possibilité de dénoncer ou juste d'aller chercher de l'aide pour soi quand on ne sait même pas que ça existe. C'est ça. C'est le niveau de tolérance aussi qu'ils ont développé et que ce mécanisme aussi de protection, que c'est important aussi qu'ils aient permis de survivre. Moi, j'ai connu beaucoup de femmes qui disaient « Moi, je ne veux pas parler de ça. C'est une boîte vraiment fermée, je ne veux pas aller parce que ça fait trop mal. En plus, à quoi ça sert ?» La question pour certains, c'est « Moi, je veux aller en avant. Je ne veux pas aller, je ne veux pas reculer parce que je sais que s'il est lourd, ça peut sortir des choses que je ne veux pas entendre.» Ok, on va voir. On a les boîtes lourdes. On doit respecter que cette boîte-là peut pas être ouverte pour le moment. Ça se peut qu'elle n'ait pas apparu. Mais qu'est-ce qu'elle aurait besoin pour que ça soit ouverte ? Et à quoi ça l'amènerait aussi ? Parce que si on l'ouvre pour l'ouvrir, je trouve que ça ne fait pas aucun sens. Ça fait beaucoup mal pour certaines femmes d'ouvrir des choses comme ça. Alors, quelquefois, c'est comme savoir quelles sont les conditions. Mais s'il est lourd pour parler de la boîte, ça se peut que c'est un début. Juste que la boîte existe. Et que la boîte a des conséquences. Et que la boîte l'a traînée pendant beaucoup d'années avec elle. Et que ça se peut que pour certaines femmes qui se trouvent dans la croissée de beaucoup de types d'oppression, de domination, cette boîte-là, c'est une petite chose comparativement à d'autres choses. Oui. Que nous, on voit ça si grand, mais pour elles, c'est vraiment pas la plus grosse boîte à traiter en ce moment. Et apporter cette boîte-là dans des contextes où elle sent qu'elle ne va pas être écoutée. Elle sent qu'elle n'a pas un port pour qu'elle rentre. Qu'elle ne pourrait pas s'exprimer dans sa langue, par exemple. Ou elle serait même responsabilisée parce qu'elle ne rentre pas dans la bonne définition de la bonne victime. Parce que ça, c'est une autre chose. La victime parfaite. On rentre dans des représentations, beaucoup de fois, surtout avec la violence à caractère sexuel. Je pense qu'il y a une représentation sociale sur ça. Sur c'est quoi la violence. On la voit comme quelque chose de gros, que c'est gros. Mais on a comme aussi, c'est très fixé aussi sur la violence sexuelle physique, sur la violence, sur certaines formes de violence. Oui. On parle moins de ça. Ben oui. Je veux dire, dans les médias, c'est toujours le sensationnalisme. On va parler des d'agressions sexuelles qui ont été violentes par un inconnu dans une ruelle. Ça, c'est plus ce qu'on va entendre parler, mais au contraire, la majorité des victimes qu'on voit dans nos services, c'est des personnes qu'elles connaissaient, c'était dans un milieu privé, puis il n'y a pas eu de violence. Ce n'est pas ça, mais on voit tellement toujours ces histoires-là, ces représentations-là que c'est facile de se dire « moi, ce n'est pas ça, ça ne correspond pas notifiamment à ce que je vois, donc c'est moins grave ». On le voit beaucoup, ça aussi, les comparaisons, mais au final, quand on regarde les statistiques, c'est rarement violent, les agressions sexuelles, parce que c'est quelqu'un qu'on connaît et c'est plus de la manipulation que de la violence physique, malheureusement.– Tu entendais quelqu'un aussi, des invités dans mon cours, je ne me rappelle pas c'était qui, sinon je l'en nommerais, qui disait vraiment « on n'est pas le système judiciaire, on n'était pas fait pour, initialement, pour traiter les violences avec des proches ou avec la famille, on s'est traité pour les violences, les crimes, qui sont des signes connus. Mais quand on est une personne qui est connue, c'est plus difficile, il y a beaucoup plus d'enjeux.– Oui, absolument.– Surtout si tu te trouves ici, par exemple, je vais me mettre le chapeau pour la question des femmes migrants, pas seulement des femmes migrants, mais des groupes qui sont plus proches, plus fermés, on va se dire, ça ne se peut que dénoncer, ça implique couper des liens, ça implique se mettre dans une... parce que ça existe la possibilité que ces femmes-là ne soient pas crues à l'intérieur de son groupe. Et si elle est crue, ça implique prendre position, demander aux membres de la famille ou des autres personnes de prendre position par rapport à l'autre personne. Et ça implique diviser, ça implique briser quelque chose où, d'une certaine façon, il y a un certain soutien aussi de ces groupes-là, qui sont contradictoires parce que ça implique beaucoup de pertes aussi.– Oui, c'est beaucoup des fois de deuil, je veux dire.– Et ça, c'est les immigrants ou pas immigrants, je pense que quand ça arrive à l'intérieur d'une famille, les familles peuvent, les personnes chargent, ont beaucoup de charge à ce niveau-là. Mais pour une personne qui, en plus, se trouve socialement isolée, qui vit d'autres formes de violence, quelquefois, c'est comme, c'est quoi le moins pire?– Oui, on évalue exactement le scénario qui va causer le moins de pertes ou le moins de douleurs, puis on tolère à cause de ça aussi, surtout dans les situations de pouvoir où, justement, je vais penser à une femme immigrante qui est parrainée, que le conjoint va jouer sur le statut social, puis il va dire « moi, je suis québécois, puis dans le fond, ils vont me croire moi ». On ajoute une bonne couche, on va choisir le scénario le moins pire, justement.– En termes de discours même, à ce niveau-là, par exemple, de parrainage, il y a des femmes qui disent « mais lui, il a dit que c'est moi qui suis venue pour profiter du système ».– Mais oui.– C'est une femme exotique, parce qu'il y a des représentations aussi de certaines femmes immigrants qui sont vues comme « la femme qui va profiter, la femme qui est plus sexualisée, la femme… », alors que ça justifie presque la violence. Alors, ces femmes-là, quelquefois, ils ont peur de se mettre à risque en disant « je dénonce », parce qu'ils vont penser « précisément toutes les choses qu'ils disent sur les femmes de mon origine, c'est ça ». Alors, je ne préfère pas dénoncer pour ne pas nourrir cette représentation ou pour protéger, quelquefois, ma communauté, parce que dénoncer quelqu'un de ma communauté, si ça serait quelqu'un de sa communauté, ce n'est pas le cas toujours, mais ça pourrait être comme dire « je vais nourrir le discours qu'il y a sur certains hommes qui sont immigrants, qui sont plus violents, et ce n'est pas vrai non plus.» – Mais non, c'est beaucoup apporté sur ses épaules, mon Dieu, là, tout ce que… – C'est exactement ce que j'allais dire depuis tantôt, toute la discussion qu'on avait, je me disais « mon Dieu, c'est lourd à porter comme responsabilité, on met tout ça sur… c'est comme on responsabilise la victime, elle a des grosses, c'est plate à dire, grosses décisions à prendre quand on prend tout en considération ce que vous avez dit, ça doit être tellement lourd se promener avec tout ça.– Le quotidien, déjà, des femmes que j'ai rencontrées, c'est un quotidien qui a des obstacles, des embûches sur beaucoup de choses, c'est déjà le fait de vivre dans un milieu, un climat hiver, ça fait plusieurs mois par année, déjà, sortir à l'extérieur, c'est un cauchemar. En plus que nos constructions, j'en parlais tout à l'heure au niveau de l'accessibilité, c'est encore moindre aussi pour la visitabilité, pour aller visiter les gens, de juste avoir un pied, avoir accès à une salle de bain pour aller aux toilettes, c'est juste ça, pour dire visitabilité, être capable de rentrer chez grand-maman, grand-papa puis aller aux toilettes, des fois, ce n'est juste pas possible, ça fait que souvent, il va y avoir des milieux difficiles, pas adaptés, ça fait qu'il va y justement des transports. qui vont les aider, la famille, les proches qui vont les aider, qui vont avoir du soutien, des soins, des services. Puis là, quand justement la question de l'agression sexuelle se pose, de la dénonciation, on parlait de dénonciation tout à l'heure, ben les gens, souvent le premier réflexe ça va être « OK, comment on va s'organiser si on exclut cette personne-là qui lui apportait au quotidien soit de l'aide pour se laver, soit de l'aide pour manger, soit de l'aide pour aller chercher sa nourriture, de l'aide pour ses transports?» Là, ça vient changer tout le quotidien de la personne au complet. Puis souvent les familles aussi, avec tout ce qu'on parlait de représentation, ben souvent les représentations, les femmes qui sont en situation d'handicap, on va dire que c'est des femmes asexuées, donc qui n'ont pas, qui ne devraient pas avoir de sexualité ou que la sexualité ne devrait pas être un sujet qui devrait être traité. Souvent, dans leur parcours médical, ils vont avoir vu une panoplie de professionnels de la santé qui vont avoir parlé de leur diagnostic, leur maladie. On va leur avoir dit à ces femmes-là « eux, c'est des experts de toi, de ton corps, de ce que tu es, écoute les conseils qu'ils te donnent.» Ça prend du temps avant, après ça, de même se rappliquer sur leur corps, leur apparition, parce que c'est comme si leur corps n'était plus à elles. Souvent, même en relation, ça va se transposer. Quand on va avoir une relation, des fois, où la violence, le pouvoir va s'installer, c'est « ah ben moi, je vais te dire ce que tu vas aimer dans la sexualité. Ça, tu vas aimer ça, ça, tu n'aimeras pas ça. Moi, je ne sais pas c'est quoi, donc je vais te faire confiance. Puis la sexualité va devenir aussi, parfois, dans certains moments, ben il m'a tellement aidée, il m'aide tellement que là, c'est la moindre des choses. Je vous fais plaisir de cette façon-là. Puis ça fait que, tranquillement, elles se détachent de leur propre sexualité, de ce qu'elle est, de leur corps, de ce qu'elle pourrait aimer, ou tout ça. Parce que c'est comme une marchandise qu'elles deviennent pour leur quotidien. Ça fait beaucoup d'obstacles, beaucoup de violences intériorisées. Avant d'arriver à, quand on parlait justement d'un projet de sexualité, de masturbation, juste de retrouver sa sexualité à elle, qui je suis, qu'est-ce que je peux ou ne peux pas faire. C'est d'avoir des sexologues qui sont spécialisés au niveau du handicap, ça c'est très précieux, mais c'est des services qu'ils n'ont pas partout. Il y en a encore moins dans les milieux ruraux. Puis même les professionnels, ils n'ont pas tout le temps les formations pour ça, pour l'aborder cette sexualité-là. Ça fait que c'est comme quelque chose qui a été tassé toute leur vie, qui après ça arrive à l'âge adulte, puis ils n'ont pas d'éducation à la sexualité, encore moins au niveau de la violence, ni même adapté à la réalité. Donc c'est ça, les obstacles se multiplient à différents niveaux.– J'ai trouvé ça super pertinent quand tu as dit, tu sais, ils ont vu des spécialistes toute leur vie, c'est comme si leur corps ne leur appartenait plus. J'avais jamais eu cette vision-là de la situation, puis je trouve que c'est là aussi comment c'est important de s'installer, puis de discuter, puis de voir à quel point ça peut les impacter, par exemple, de ne pas avoir eu après ça d'éducation et tout. Parce que moi, dans la vie de tous les jours, je n'aurais jamais pensé que ça se rendait jusque-là. Fait que merci en fait de faire des recherches comme ça, puis de l'amener, parce que moi je trouve ça super intéressant, puis ça me fait réaliser que ça serait important qu'il y ait plus de sexes-là, qu'ils soient formés pour ça, que ça serait important, puis que c'est une réalité, puis il y a un besoin. Mais l'accessibilité aux services, ça va toujours être quelque chose de quand même difficile, puis la formation. Mais merci, parce que je n'étais pas au courant.– Ça se parle tantôt, tu parlais d'interprète, c'est la même chose pour les femmes au niveau des déficiences auditives. Moi, j'ai eu beaucoup de difficultés en en recruter dans ma recherche. En fait, je n'ai pas été en mesure d'en recruter parce que le fait d'avoir une interprète avec moi et elle, ça rajoute une personne supplémentaire. Je pense que le rôle de travailleuse sociale va être de faire la médiation, puis on parlait de lunettes intersectionnelles, mais à différents niveaux, auprès de la personne, de son entourage, mais après ça avec les autres professionnels, après ça dans les institutions, par la sensibilisation, la défense du droit, puis dans les politiques. Le rôle de travailleuse sociale peut être à différents niveaux.– Parce qu'on ne peut pas faire ce qu'on peut. On peut décider de travailler simplement dans les sphères individuelles, dans la relation interpersonnelle, on fait un petit bout. Je veux dire, moi, je peux travailler avec cette madame-là, la sensibiliser, la reconnaître, identifier la violence, reconnaître ses forces, tout ça, mais si elle sort, finalement, elle doit… faire affaire à d'autres services, il ne fait pas confiance au système parce que le système l'exclut, par exemple, le système ne lui permet pas d'avoir une rame pour rentrer ou une interprète pour parler de son BQ. Alors je préfère tout ça que je peux, mais finalement il va être aussi confronté à d'autres obstacles. On passe un peu à côté, on a parlé à une personne. C'est ça, à différents niveaux. Pendant qu'on travaille, on fait l'intervention individuelle et des groupes, on milite pour le changement des droits, pour inscrire dans les politiques, dans les plans d'action, pour nommer certains enjeux. En même temps, c'est important de faire comme aujourd'hui, des podcasts, des balados, pour changer la représentation qu'on a sur les sujets. Ça ne devient pas un sujet tabou, ça c'est déjà beaucoup, mais la représentation des femmes aussi, les femmes sont, je veux dire, l'image, les stéréotypes qu'on a de certaines femmes les nuisent tellement dans la démarche des recherches d'aide aussi. Et même dans son propre identité, il y a des femmes qui considèrent qu'elles ne sont pas suffisamment belles, par exemple, alors si quelqu'un, parce qu'ils nous ont dit qu'elles ne sont pas suffisamment belles, parce qu'elles ne rentrent pas dans la boîte, ces femmes-là sont plus vulnérables. Si elles prient dans un contexte de violence à caractère sexuel, si quelqu'un profite de cette vulnérabilité, maintenant il va te dire, il va l'utiliser. C'est comme on utilise cette vulnérabilité qui se crée socialement, qu'on crée socialement. C'est comme on adapte nos services aussi, que les femmes arrivent dans nos services, et qu'on sache que oui, si tu ne parles pas la langue, je vais t'interpréter, si tu ne peux pas rentrer, on va trouver la façon que tu rentres. C'est toute la représentation, je pense que c'est comme... Puis même au niveau des professionnels, il faut faire attention parce que quand c'est en contexte de violence conjugale, quand les conjoints les accompagnent dans les rendez-vous médicaux, tu es chanceuse, tu n'es pas tout seul, il y a quelqu'un qui est là. Même la famille, tu es chanceuse, il y a quelqu'un qui est là pour toi. Tu es chanceuse d'avoir la transparenté ou d'avoir ce professionnel-là qui te suit. Il y a tout le temps quelque chose de soit reconnaissant, soit... Comme tu disais tantôt, quand tu n'as pas la beauté, la normalité du corps. Le handicap, c'est une non-normalité selon notre convention. Donc, ça dit dans ce cas-là, soit reconnaissant, soit chanceuse parce que ce n'est pas normal. Puis toi, tu ne pourras peut-être pas avoir une vie comme les autres. Tu ne pourras peut-être pas travailler, tu ne pourras peut-être pas avoir d'enfants, tu ne pourras peut-être pas être amoureuse. Fait que là, si tu l'es, qu'on te soit chanceuse. C'est vrai, mais oui. C'est vrai que c'est un message qu'on s'est véhiculé au coton. Puis tu sais, c'est souvent le premier réflexe que tu as. Tu es chanceuse, c'est ta compagnie. Tu sais, ce n'est même pas... Ça vient d'un automatisme, le dire, sans nécessairement penser que ça peut être beaucoup plus complexe que ça. Mais c'est une petite phrase que j'ai probablement déjà dit, malheureusement. Ça m'a rendu compte. Fait que tu sais, c'est de... Tu sais, on est tous en apprentissage aussi. Il ne faut pas se taper sur la tête. Mais c'est de prendre conscience de ces petites choses-là. Puis tranquillement, de faire collectivement des efforts. Tu sais, de travailler à ce que ça s'améliore. On en parle justement pour que les gens puissent être de plus en plus au courant. Mais c'est sûr que collectivement, il y a du travail à faire. Et les êtres humains, on est complexe. Dans le sens qu'il y a des femmes immigrants avec un handicap. Il y a des femmes qui vivent plusieurs formes d'oppression ensemble. Et que ce n'est pas une chose. Chaque chose va prendre l'ampleur, selon le contexte aussi. Parce que quelquefois, on peut rester avec une vision très fixe de... Ah, c'est une femme avec un handicap, immigrant, qui... Finalement, on dit oui. Elle est toute seule, et plus que ça. Parce que c'est l'interaction qui fait que les choses prennent aussi un peu plus d'impact. Par exemple, pour une femme immigrant avec un handicap, j'essaie de penser à cette madame-là qui n'est pas comme tout le temps. Pour cette femme-là, l'handicap prenait beaucoup de place dans sa vie parce qu'il y avait beaucoup d'obstacles. Parce qu'en plus, elle parlait pas la langue. Il y avait des choses qui jouaient beaucoup dans la prise de décision et dans son dépendance au conjoint, par exemple. En plus de l'état immigratoire, par exemple. Mais l'handicap, c'était comme une espèce d'élément qui organisait toutes les autres formes d'oppression. Mais ça se peut que pour une autre femme, et dans un autre contexte, c'était surtout, par exemple, la question d'être immigrant, qui jouait plus que l'handicap pour certaines décisions qu'il devait prendre. Il y avait des choses qui prenaient plus de place que l'autre. Et en même temps, mon Dieu, j'ai une admiration parce qu'il me pose la question, il me dit comment est-ce qu'ils font. Oui, parce qu'ils sont très forts, ils s'en sont tous les jours, alors on ne va pas rester avec cette vision-là. Ça n'a pas de sens la force que ces femmes-là ont à toutes les fois. Elles sont très créatives, on parle beaucoup d'obstacles, mais elles ont mis beaucoup d'action. On parlait de, c'est le grand mot, agenticité, mais elles sont beaucoup dans la prise d'action, d'essayer des choses. Moi, il y avait des stratégies que j'avais soulignées avec elle, qu'on avait ressorties ensemble. Il y avait des stratégies au niveau d'elle-même, au niveau de l'introspection, réapprendre à se connaître. Des stratégies qu'elle avait avec les autres, de se créer des nouveaux réseaux. Des stratégies qu'elle avait faites aussi d'entraide avec des travailleuses sociales. Et des travailleuses sociales qui sont allées voir d'autres professionnels de la santé et ont dit, « Regarde, elle a nommé ça, vous ne l'avez pas écouté, vous ne l'avez pas cru. Moi, je suis avec elle.» Fait que de faire la défense de droit, comme ça, de l'appuyer, elle a dit, « Moi, j'ai eu de la crédibilité parce que Mathias m'accompagnait dans toutes les dates.» Puis elle dit, ça, c'est pas son rôle de base. C'est pas le CIUSSS qui lui a dit à la travailleuse sociale, « Faites de la défense de droit, va voir les autres professionnels, jouez ce rôle d'intervenante.» Puis vous-là, c'est vraiment une initiative. Je pense que ces femmes-là sont créatives. Elles peuvent nous donner des idées sur comment faire notre rôle de travailleuse sociale. De rechercher, de trouver des sujets de recherche, c'est elles qui ont insufflé ça. Je pense que si on est à l'écoute, comme tu disais tantôt, il y a beaucoup de choses qu'on peut ressortir de stratégie. Puis oui, il y a des obstacles. Après, c'est ce qui fait que c'est complexe. Mais en même temps, il y a une résilience, une force, puis faire attention justement à cette représentation-là de « Elles sont dépendantes, elles sont vulnérables.» C'est des grands mots, mais en fait, c'est un message qu'on ne les aide pas quand on fait ça. Parce qu'on est en train de dire, « Ben là, allez-y, elles sont vulnérables, elles dépendent de nous.» Alors que la réalité, c'est qu'elles sont très fortes, qu'elles ont des réseaux, qu'elles sont organisées, qu'elles sont, comme je disais tout à l'heure, il y en a beaucoup. Moi, je les ai rencontrées, il y en a beaucoup qui avaient des gros niveaux d'éducation, puis qui étaient capables de nommer les choses. Fait que c'est ça, il faut faire attention, l'environnement est hostile. Je pense qu'il y a beaucoup de... C'est le contexte de vulnérabilité. Le contexte qui les met en position de vulnérabilité, mais ce n'est pas des personnes ni dépendantes, ni vulnérables. C'est le contexte qui les rend dans une position. J'aime bien l'image, comme le petit, ces fleurs qui sortent au milieu de... Je ne sais pas le nom. C'est ça, c'est l'image de la fleur qui sort du désert. Du béton, c'est ça. À chaque obstacle, il y a quelque chose qui se développe pour les surmonter. C'est sûr que les choses qui peuvent arriver, c'est que les personnes peuvent être fatiguées aussi. Il peut y avoir des moments où ça peut être difficile, parce qu'on a tellement poussé pour passer à travers. À quelques moments, la fatigue peut venir, et peut avoir un impact sur la personne qui vit ça, et sur les personnes qui sont autour aussi. Je pense que c'est important de reconnaître aussi qu'il y a une force, mais en même temps, c'est important de reconnaître qu'il peut y avoir... On doit les soutenir aussi. Oui, il y a une certaine limite à la fatigue. Qui peut s'installer aussi. C'est bien beau de renvoyer le message, vous êtes très forte, continuez. Oui, c'est ça. Oui, parce que certaines personnes peuvent rester avec cette pression aussi. Je dois être forte, je ne vais pas demander d'aide. Elle est forte, elle sait qu'elle est forte. Mais quelquefois, il y a des femmes qui disent, je suis fatiguée, d'entendre que je suis forte. Oui, effectivement, parce que tu n'as pas le choix d'être forte, dans le sens que tu as dû survivre. Mais est-ce que je peux me soutenir? Là, qu'est-ce qu'on cherche pour pouvoir te soutenir? Mais effectivement, malgré tout, on peut faire des choses. C'est sûr qu'elle va devoir te soutenir dans ce qu'elle veut faire et dans où est-ce qu'elle est rendue aussi. Et dans ces choix, comme tu disais, on ne peut pas avoir tous les combats en même temps, avec la fatigue, ce n'est pas possible. Déjà, se lever le matin, passer à travers sa journée, c'est déjà un projet en soi. En plus de travailler sur X, Y, Z, entre autres au niveau de la reconnaissance des agressions sexuelles, le travail sur soi, tout ça, on vient au-delà de la personne. Il y a des choix qu'il faut qu'il se fasse au niveau. Puis le soutien est important. Puis il devrait être... Là, il est pratiquement inexistant, en ce moment. Il a des enjeux aussi de porter plainte. Il a des enjeux du fait de porter, de nommer, de passer à travers les systèmes. sait que ce n'est pas un système facile. Mais en même temps, à qui il y a des noms, c'est qui cette personne-là aussi. Parce que ça peut jouer aussi, le système fonctionne comme un silo, quelquefois. Ça se peut que cette personne-là, si c'est quelqu'un de qui elle dépend, par exemple, je pense aux femmes immigrants, et que son statut migratoire dépend d'elle, ça se peut que oui, elle passe avec la question criminelle, mais ça se peut qu'au niveau de l'immigration, il peut y avoir des enjeux. Il va devoir chercher une autre solution à cet enjeu-là, si tout se sépare, si tout dénonce, et lui, l'accusé d'agression, il n'a pas de statut, il va travailler, si son statut dépend de lui, ça se peut qu'il va avoir de l'impact de ça. Alors, comment on fait pour ça? C'est important, quelquefois, il y a des personnes qui ne veulent pas faire des actions parce qu'elles voient des enjeux, elles voient des impacts qu'elles ne voient pas. D'où l'importance de mettre sa lunette à la place. C'est dans la question avec les immigrants, avec la question culturelle toujours, parce que l'aspect culturel, c'est un élément, mais ce n'est pas tout. Non, ce n'est pas tout. Ce n'est pas tout, et on parlait du processus de plainte et tout ça. Le rapport qu'on peut avoir avec la police ou le système judiciaire varie d'une personne à l'autre. De dire à quelqu'un, va porter plainte, vas-y, c'est vraiment facile. C'est vraiment facile de dire ça. Après ça, le processus, puis comment il peut être vécu d'une personne à l'autre. C'est très variable. On parlait tantôt de la victime parfaite. Il faut quand même cocher certaines catégories, selon moi, pour que ce processus-là se passe de manière exemplaire. On en entend malheureusement des femmes dans nos bureaux qui ont vécu des situations difficiles. Il y en a que ça va bien, mais il faut quand même comprendre que ce n'est pas pour tout le monde une solution automatique. Ça se peut que c'est le processus qui, pour certains, est important. Il y a des personnes qui vont aller vraiment dénoncer, porter plainte, faire tous les processus parce que c'est partie de son processus. Même si à la fin, le monsieur n'est pas condamné, ou même si ça ne se passe pas comme il voulait, ce processus pour elle était important, possiblement dans son guérisson. Mais ce n'est pas le cas pour toutes les femmes. On doit comprendre aussi que ce n'est pas le cas pour toutes les femmes parce qu'elles ne sont pas dans la même position, elles ne font pas face aux mêmes obstacles non plus. Et une femme, entre autres, c'est ça, exactement la même chose que tu viens de dire, de faire le processus, ça faisait partie de son processus, ça elle aussi. Oui, au final, le procureur ne l'a pas retenu, donc ce n'est pas allé au procès. C'est sûr que pour elle, cette annonce-là, c'est venu la chercher, mais en même temps, ça m'a apporté beaucoup dans le processus, et si ça s'est à refaire, je le referais. Tandis que d'autres m'ont dit, en raison de ma dénonciation, par exemple, il y en a une qui est dans un milieu de travail, l'employeur ne m'a pas crue, puis ensuite, la personne que j'ai dénoncée m'a accusée de diffamation, et j'ai dû payer pour la diffamation, et en plus, j'ai perdu mon emploi. Puis il était déjà difficile d'avoir un emploi accessible, mais probablement que si on gratte un peu au niveau de la productivité, peut-être que ce n'était pas la personne employée qui était la plus productive, parce que ça aussi, les femmes me disaient, c'est dur de rentrer sur le marché du travail, puis de suivre la pression qu'on a de productivité, puis la fatigue, parce qu'il faut reconnaître que nous, on ne peut pas avoir le même niveau de productivité. Donc, est-ce que c'est que ça qu'on veut valoriser dans cette société de capitalisme, un peu liée à la productivité, il y a ça. Le fait d'être crue, même de dénoncer, ça peut l'amener, l'inverse, on peut avoir à perdre beaucoup de choses si on n'est pas crue, si ça va plus loin, si on est accusé nous-mêmes. Je pense que dans notre manière de faire, justement, on va y aller vraiment avec c'est quoi le but derrière la dénonciation, quand c'est possible, ou des fois, après analyse ou en discutant, on se rend compte qu'il va y avoir plus d'impact négatif que d'impact positif, ou que la personne, à son rythme, on n'est pas là, fait qu'on part toujours de la personne. Pourquoi tu fais ça, c'est quoi le besoin derrière ça, on va donner les informations, après ça, la personne prend sa décision, bien sûr, mais ce n'est pas vrai que pour tout le monde, c'est automatique. Tu as rempli la case, tu as vécu une agression sexuelle, bien, dénonciation, c'est ta seule option. On le voit dans plein de situations. C'est juste qu'on l'entend quand même beaucoup dans la société, que c'est comme pour plusieurs personnes, la solution automatique, quand au contraire, nous, dans nos suivis, ça ne l'est pas, puis on voit des femmes qui vont bien, puis qu'elles font leur processus, elles-mêmes, leur processus de guérison, puis ça n'a pas besoin d'inclure une dénonciation, puis c'est bien correct, mais au contraire, c'est le besoin qu'une femme peut et on va l'accompagner, mais c'est tout le temps validé, c'est ça, le besoin à l'arrière. Je pense que faire attention aussi, ça dépend qui est la femme aussi, faire attention à comment... J'ai travaillé à une maison d'hébergement, et quelquefois j'ai eu affaire avec des femmes qui ont vécu, en plus de la violence conjugale, des agressions sexuelles, soit liées à la même violence conjugale, soit liées à... que c'est plus dans sa vie, dans son parcours de vie, qui ont vécu beaucoup, malheureusement. Et quelquefois, je me disais, bon, est-ce que ça... ça, c'est quelque chose que tu veux parler avec moi ou pas ? C'est comme, ça se peut que tu dois aller parler avec quelqu'un d'autre qui va t'accompagner dans ce processus. On doit savoir respecter, mais en même temps savoir aussi à quoi... où je me trouve moi comme intervenante à ce moment-là, quelle est ma place aussi, qu'est-ce que je vais pouvoir travailler, qu'est-ce que je vais pas pouvoir travailler avec elle, connaître mes limites, et possiblement mettre les limites déjà à l'avance. C'est comme en dire, tu peux me parler, mais ça se peut que si tu vas parler de ça avec une autre personne, parce que c'est important dans ton processus de le faire, ça se peut que ça serait mieux que tu le fasses avec une personne qui va te suivre tout ce temps-là. Parce que moi, ça se peut que je vais arrêter de te voir et je vais pas travailler nécessairement sur les sujets, c'est pas mon expertise non plus. Alors comment on fait pour te dire, un peu avec la discussion des boîtes, ça serait ta boîte, on va discuter des impacts de ta boîte, mais les boîtes et les contenus, c'est mieux que tu les fasses comme une seule fois, parce que sinon, on multiplie les... Mais oui. Alors comment on fait attention aussi, surtout avec des femmes qui pensent, pour qui la violence sexuelle, pour toutes les femmes, je pense qu'elle a un impact très grand, mais pour certaines, il y a différents niveaux de reconnaissance même. Ça commence par les reconnaître. En tout cas, c'est... Oui, puis les impacts des agressions sexuelles chez les femmes en situation de handicap, ça peut aller jusqu'à aussi créer de nouvelles incapacités physiques, de nouveaux problèmes liés à leur... C'est ça aussi. Oui, il y a comme une espèce de... Il y a des bouts où on peut travailler, comme tu dis, qu'on peut aider la personne, mais on a besoin d'allier. Clairement, on a besoin de s'allier, on a besoin d'être ensemble, puis d'essayer de pas justement... Surtout dans un contenu traumatique, on peut pas répéter, répéter, répéter les mêmes actions, les mêmes choses, travailler sur les mêmes choses, sachant que ça a des conséquences graves, puis que oui, on a une urgence de s'intéresser à la question. On n'a pas... C'est ça, cette urgence-là, c'est pas dans... Tout de suite, il faut mettre les choses en place. C'est plus dans la... Il faut tout de suite se structurer, puis réfléchir, puis avoir plusieurs têtes, puis être créative, puis partir de ce qu'elle aussi... Tout ce qu'elle connaît. Ils ont vraiment beaucoup de choses à nous apprendre. En tout cas, moi, j'ai appris beaucoup de choses avec elles. Depuis tantôt, vous nous donnez quand même des pistes d'intervention qu'on pourrait utiliser. Je sais pas si... Mon Dieu, j'ai de la misère avec mon micro. Vous pourriez nous donner... Non, nous en donner, j'ai envie de dire un rafale, mais pas obligé d'aller aussi vite que ça. Mais quelques-unes importantes, selon vous, pour bien accompagner ces femmes-là. Est-ce que vous en avez? Déjà, de les écouter, c'est une chose. De les croire. De pas tout de suite... vouloir essayer de comprendre nécessairement. Tu sais, juste être bienveillante. C'est déjà beaucoup. Puis d'accueillir le malaise, parce que souvent, ça va nous créer des malaises. Souvent, ça va nous toucher aussi. Je l'avais entendu dans vos autres podcasts, de dire, mon Dieu, c'est la pire histoire que j'ai déjà entendue. Même si c'est vrai, on... C'est ça, il faut pas... Oui, ça nous fait envier beaucoup de choses comme intervenantes parce qu'on voit beaucoup de choses à travailler. Puis on se dit, la marge va être haute. Ça va être difficile. Si on laisse transparaître ça, la personne, elle est dans cette situation-là depuis toujours. Puis pour elle, elle la voit pas de la même façon que nous. Puis on peut l'accompagner déjà à travailler. Qu'est-ce qui a déjà été fait? On repart de là. Puis elles ont déjà vécu beaucoup de choses. C'est ça. C'est partir de leur connaissance, de leur expérience. C'est grand. Puis après, ça lie avec d'autres qui travaillent là-dessus, qui ont les réponses. Pas avoir peur à cogner à d'autres portes. Moi, je pense que c'est... Déjà, quand on parle un peu plus au niveau personnel, mais tantôt, on disait d'aller au-delà du personnel. C'est sûr qu'après... Je pense que dans les niveaux un peu plus personnels, toute la question de la... Je pense qu'on peut connecter même dans les personnels, dans l'interpersonnel, des liens avec des autres approches directement. Des autres niveaux. Moi, j'ai beaucoup pensé à travailler beaucoup avec des... De travailler avec la question de représentation même avec la femme. Qu'est-ce que ça signifie pour toi, ça? Parce que quelquefois, il peut y avoir une difficulté pour parler. C'est parce que comment se représente une femme victime? Personne veut être victime. Personne veut dire à quelqu'un... J'ai vécu ça parce qu'on se sent comme, c'est comme si on se sent moins parce qu'on est victime. Personne n'aime se sentir comme ça. Ça fait une accumulation d'étiquettes, déjà femme immigrante dans l'administration d'handicap, là ça me rajoutait victime d'agressions. Je ne veux pas être là, je ne veux pas être placée, personne ne veut être placée dans cette position-là. Alors, déjà commencer pour nommer ça, c'est quoi pour toi ça, et comment est-ce qu'on pourrait nommer ça pour que tu ne te sentes pas ? Qu'est-ce que ça signifie aussi de parler des victimes ? Quelquefois, je parle des victimes en disant que c'est la notion aussi que ce n'est pas ta responsabilité. C'est comme si tu n'étais pas responsable. Je vais te le répéter cinq fois, six fois, parce que c'est important que tu l'entendes, parce que tu me dis que tu le crois, mais je sais que ça t'étonne tellement des fois que ce n'était pas vrai, que tu peux croire que tu es responsable. Comme si c'était intégré comme message. C'est ça, et ce n'est pas toi qui a une mauvaise estime de toi qui penses ça, c'est en général les femmes, on a la tendance à se responsabiliser. Alors, travailler beaucoup dans la question de la responsabilisation, la socialisation aussi, c'est comme aller dans les niveaux plus de toutes les représentations, comment les valeurs aussi s'intègrent, pourquoi ça te gêne ? Ce n'est pas gratuit que ça te gêne de parler de quelque chose, c'est parce que tu en fais croire, c'est comme socialement on est considéré comme si on a fait quelque chose. C'est comme travailler beaucoup dans cet individu, mais qui va vers les autres choses, et aller vers les structures aussi. Est-ce que c'est difficile ? Quels sont les obstacles que tu pourrais trouver aussi ? C'est normal que tu aies peur d'énoncer, parce que pourquoi tu as peur ? Quels sont tes obstacles structurés ? J'ai peur qu'ils me voient comme ça, mais j'ai peur aussi de me trouver avec une police qui me pose des questions telles, j'ai peur qu'ils pensent que moi je suis comme ça, parce qu'il y a un statut migratoire qui n'est pas en résidence, qui ne me croit plus, ou qui ne me donne pas des services pour ça. Ok, on va aller décortiquer un peu tout ça, pour savoir qu'est-ce qu'on fait, comment est-ce qu'on travaille. C'est sûr, comme je disais, c'est important de travailler avec, c'est bien de changer, de conscientiser, pour changer les lois, pour travailler avec les institutions. Est-ce que nous, comme organisme, on peut faire quelque chose aussi pour s'adapter, pour t'aider à répondre à certaines besoins ? C'est comme si on était en différentes couches. Il faut, absolument. Sinon, encore une fois, on responsabilise la personne. Tu es toute seule, qui peut prendre quelque chose avec ça, puis c'est toi qui dois trouver comment. Et les groupes sont magnifiques. On peut travailler en groupe. On en a, le secours des groupes, on adore ça. Ça a une richesse que nous, en tant qu'intervenante, on ne pourrait jamais apporter ça aux femmes. Un groupe réussi, c'est si je parle le moins possible. J'adore se donner des conseils, se comprendre, se valider. Effectivement, un groupe, toujours, toujours. On crée une force. Parfois, quand ils se rendent compte qu'ils vivent des choses semblables, qu'ils sont ensemble, qu'ils se fâchent ensemble, j'adore ça. Quand les personnes se fâchent, je dis, mais ce n'est pas juste, on est juste ça aussi, moi aussi. On est comme en train de tisser des liens pour se fâcher ensemble. Ça, c'est une bonne colère. Oui, qu'est-ce qu'on fait avec ça, la colère? Il y a des réseaux de femmes qui existent déjà. Fait que les mettre en relation, même si, mettons, tu es dans une région éloignée, plus en plus, c'est sûr que ça dépend toujours de la génération dans laquelle on se suit, mais les plus jeunes, on peut avoir accès aussi à des réseaux d'entraide sur Internet, des réseaux sociaux de femmes qui se mobilisent. Ça permet d'avoir accès à d'autres personnes. Fait que c'est d'essayer de se mettre en relation, même entre organismes. Ça peut être aussi des belles opportunités de partenariat pour se rassembler, se mettre en groupe, avoir des intérêts communs. Parce que c'est bien, il y a des organismes aussi spécialisés avec les personnes en situation de handicap, mais ils n'ont pas toute l'expertise nécessairement que vous avez au niveau de la violence de caractère sexuel. Donc, il y a des alliances aussi qui peuvent se faire, qui peuvent jouer entre personnes. Oui, c'est une belle manière de reconnaître qu'il n'y a pas qu'une boîte, qu'il n'y a pas juste une chose sur laquelle on va travailler. Le fait d'aller chercher, justement, de nommer nos limites, d'aller chercher de l'aide, de voir que, je vais vous dire, tout est dans tout. C'est un peu ça. Comme professeur-chercheur aussi, si on parlait politique un peu plus tout à l'heure, souvent quand il y a des plans d'action, les gouvernements vont venir nous dire « Est-ce que vous avez des recommandations que vous avez à faire comme dans vos recherches?» La portée que ça a, on ne la connaît pas nécessairement, mais on dit quand même qu'il y a une discussion. On peut voir, après les portées, qu'est-ce que ça redonne. Que ça soit inscrit dans la politique, c'est important, parce qu'après on peut aller demander de respecter ce qui est inscrit dans la politique, ou de développer un peu plus la petite ligne qu'ils ont mise, comme à la fin, qui ne dit rien, mais qui le quelque chose, alors là on travaille sur ça, on doit avoir des léviers. Je pense que le travail c'est beaucoup ça. Ben oui, d'aller chercher comme des données pour justement s'appuyer pour nos demandes d'après, pour pouvoir échanger les choses. Puis tu sais, aujourd'hui on a parlé, c'est sûr, avec nos expertises, moi c'était plus au niveau du handicap, puis ça s'est allé au niveau plus des femmes racisées, mais tu sais, à quelque part, l'intersectionnalité c'est plus large que ça, tu sais, et puis il y a plein d'autres populations, des groupes plus marginalisés qu'on n'a pas parlé d'aujourd'hui. Mais tu sais, quand même, reste que c'est cette concentration-là qui se fait au niveau des différences organisées comme vous voulez qu'à l'axe, puis ça c'est vraiment intéressant d'ouvrir, de dire oui, on est là pour les femmes, mais les femmes, ça peut être plein de femmes, ça peut être plein de réalités différentes, puis il faut s'y intéresser. Vraiment. Merci beaucoup, mesdames, pour cette belle discussion. Merci Marie. Ça va. Merci à vous. J'espère que vous aviez apprécié l'épisode et on se revoit dans deux semaines. Bye!